Alors que le gouvernement vient d'annoncer un nouveau report de la présentation du projet de loi sur la fin de vie, les acteurs du débat font entendre leur voix. En particulier le collectif de soignants opposé à toute forme d'aide active à mourir, emmené par la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap).
Le projet de loi fin de vie, composé de trois volets (soins d'accompagnement, droit des patients, et aide à mourir) devrait être présenté en février 2024, selon le nouveau calendrier précisé par Agnès Firmin Le Bodo. La stratégie décennale 2024-2034 sur les soins palliatifs, préfigurée par le rapport rendu le 9 décembre par le Pr Franck Chauvin, sera, elle, publiée en janvier. « L'aide active à mourir ne peut pas être effective en 2024 », a admis, sur franceinfo, la ministre déléguée. « Il faudra une navette entre l'Assemblée et le Sénat, peut-être un autre aller-retour, donc il faudra au moins 18 mois de débats », a-t-elle jaugé.
« Secourisme à l'envers »
En attendant une parole présidentielle qui tarde, le collectif de soignants* impliqués dans les soins palliatifs réitère ses vives critiques contre une version provisoire du projet de loi, datée d'octobre 2023, dont Le Monde s'était fait l'écho à l'automne, et que Le Figaro a détaillé plus avant ce 13 décembre.
Ce document, que le Quotidien a pu aussi consulter, précise les conditions d'accès de l'aide à mourir : être majeur, en capacité de manifester sa volonté libre, éclairée et univoque, être atteint d'une affection grave et incurable avec un pronostic vital engagé à court ou moyen terme et présenter une souffrance physique réfractaire ou insupportable liée à cette affection.
Il détaille aussi la procédure et la place du médecin : c'est lui qui accueille la demande du patient, et qui procède à un examen médical, avec sollicitation d'un médecin tiers. Il a 15 jours pour solliciter l'avis d'autres professionnels de santé puis 15 autres jours pour rendre sa décision, motivée et argumentée. La personne a un délai de réflexion de deux jours minimum.
Le médecin prescrit la substance, sans être tenu d'accompagner le patient jusqu'au bout. Néanmoins, à la date fixée de l'aide à mourir, le patient doit être entouré d'un médecin ou d'un infirmier. L'administration de la substance létale est faite par la personne, ou en cas d'incapacité, par une personne volontaire qu'elle désigne, ou par un médecin ou un infirmier. Ces professionnels doivent être là au moment de l'administration en cas d'incident : ils peuvent ainsi procéder à un « secourisme à l'envers », pour hâter le décès en limitant les souffrances.
« Mépris »
Le collectif s'insurge contre ce « secourisme à l’envers », « terme qui à lui seul dépeint à quel point les rédacteurs de ces mesures sont hors sol et méprisent l’opinion des professionnels de santé ». Il conteste la possibilité d'une euthanasie pratiquée par un tiers : « Qu’en sera-t-il des personnes vulnérables notamment âgées, qui déjà si souvent craignent d’être un poids pour leur entourage ? », interroge-t-il.
Il déplore aussi la place solitaire du médecin, « tout-puissant, ce qui constitue un grave retour en arrière par rapport à la loi de 2005 et va à l’encontre d’années d’évolutions en faveur du développement d’équipes de soins ». Quant à l'Association nationale des médecins coordonnateurs d'Ehpad (Mcoor), elle dénonce un « mépris total de la réalité du travail des soignants » en établissement, alors que le projet de loi prévoit que le directeur d'une structure soit tenu de permettre une aide à mourir, quitte à ce que ce soit avec des professionnels extérieurs.
« Sur la base de ce texte, le gouvernement doit être conscient qu’il n’y aura aucun accord avec les soignants », conclut le collectif.
À rebours, les partisans d'une légalisation d'une aide à mourir estiment que le texte va dans le bon sens. « Sur le fond, c'est une bonne base de départ », a déclaré à l'AFP le député Olivier Falorni, apparenté à la majorité et défenseur d'une légalisation de l'euthanasie. « En revanche, la formule du secourisme à l'envers est d'une stupidité sans nom et ne correspond en rien à l'esprit de ce texte », reconnaît-il. Et de regretter la lenteur du gouvernement, une position partagée par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
Interrogé par l'AFP, le cabinet d'Agnès Firmin Le Bodo a souligné que la version médiatisée du projet de loi remontait à plusieurs mois et a assuré que « le travail se poursuivait ».
* Association française des soins oncologiques de support (Afsos), Association nationale française des infirmier.e.s en pratiques avancées (Anfipa), Association pour la clarification du rôle du médecin dans les contextes de fin de vie (Claromed), Syndicat des médecins coordonnateurs, Ehpad et autres structures, généralistes ou gériatres - Confédération des syndicats médicaux français (SMCG – CSMF), Conseil national professionnel de gériatrie (CNPG), Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (Ffamco-Ehpad), Fédération française des infirmières diplômées d’État coordinatrices (Ffidec), Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad), Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (Mcoor), Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), Société française du cancer (SFC), Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC), Syndicat national des généralistes et des gériatres intervenant en Ehpad (SNGIE), Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT), Société française de soins palliatifs pédiatriques (2SPP), Unicancer soins palliatifs
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