Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est un problème de santé publique majeur en raison de sa forte prévalence (1 milliard de personnes dans le monde et 30 millions de non-diagnostiqués en Europe !) et de ses nombreuses conséquences. L’association entre le SAOS et les maladies cardiovasculaires est aujourd’hui reconnue. Le SAOS provoque, entre autres, des baisses répétées de la saturation nocturne en oxygène du sang, des augmentations de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque.
PPC pas la panacée
Cependant, l’intérêt du traitement par pression positive continue (PPC) pose toujours question. Les résultats de l’étude Save par exemple, n’en ont pas apporté la preuve (1). Les analyses n’ont montré aucune réduction des événements cardiovasculaires, malgré plusieurs années de traitement PPC (suivi moyen 3,7 ans) chez les patients atteints de SAOS modérée à sévère. Une méta-analyse comparant des patients qui utilisaient une PPC plus de quatre heures par nuit avec des patients non traités, ou traités moins longtemps, avaient toutefois suggéré un bénéfice possible pour l’infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux (2).
Un large essai contrôlé randomisé multicentrique, Isaacc, a été mené en groupes parallèles sur des patients atteints de SAOS dans 15 hôpitaux d’Espagne, avec un suivi moyen de 3,35 années (3). L’objectif était d’évaluer l’effet du SAOS et de son traitement par PPC sur l’évolution clinique des patients atteints de syndrome coronarien aigu (SCA). Chez les patients atteints de SCA, non somnolents, la présente d’un SAOS n’était pas associée à une augmentation de la prévalence des événements cardiovasculaires et le traitement pas PPC n’a pas significativement réduit cette prévalence. Les résultats montrent aussi que la prévalence des événements cardiovasculaires ne semble pas être liée à l’observance de la PPC ou la gravité du SAOS.
Plusieurs pistes dans le cancer
L’association du SAOS avec le cancer fait toujours l’objet de recherches. L’hypoxie intermittente et la fragmentation du sommeil pourraient favoriser la progression tumorale. Des études cliniques rétrospectives ont observé une augmentation de l’incidence du cancer et de la mortalité chez les patients présentant une plus grande gravité de troubles respiratoires du sommeil. Le risque serait augmenté de deux à trois fois plus, selon certaines études. Mais il existe souvent de nombreux facteurs de confusion, notamment l’âge, le sexe, l’obésité, l’alcool, le tabac…
Récemment, les données d’une vaste cohorte française multicentrique de patients sans cancer, étudiés pour une suspicion de SAOS, ont été reliées aux données administratives de santé pour identifier les nouveaux cancers (4). Après une période médiane de suivi de 5,8 ans, les résultats ont montré que l’incidence du cancer était associée à une sévérité croissante du SAOS et de l’hypoxémie nocturne. L’association était plus forte chez les patients plus âgés souffrant d’obésité et sans traitement. Tous les sites de cancer sont possibles, chez l’homme comme chez la femme, mais les plus fréquents sont le poumon et le sein.
Des études dans le mélanome
Un travail intéressant a porté sur un cancer spécifique, le mélanome cutané (5).
443 patients avec un diagnostic de mélanome ont subi une étude du sommeil dans les six mois suivant le diagnostic. Au final, la sévérité du SAOS était indépendamment associée à une plus grande agressivité du mélanome cutané, en particulier chez les patients plus jeunes.
Une autre étude observationnelle multicentrique chez 360 patients atteints de mélanome cutané a comparé les dosages sériques de PDL1 (sPDL1) en fonction de la présence et de la gravité du SAOS et a évalué les relations avec l’agressivité et le caractère invasif de la tumeur (6). Le sPD-L1 était plus élevé chez les patients atteints de mélanome avec SAOS sévère que chez les patients atteints de SAOS léger ou non SAOS. De plus, ce taux est associé à plusieurs indices d’agressivité tumorale (indice de Breslow, métastase ganglionnaire…). Des études prospectives contrôlées à grande échelle sont encore nécessaires pour confirmer que le SAOS est effectivement un facteur (modifiable) de risque de cancer.
Communications du Pr Patrick Lévy (CHU de Grenoble) lors de la session « Sleep and breathing disorders » et du Pr Jean-Louis Pépin (CHU de Grenoble) lors de la session conjointe ERS/SPLF
(1) McEvoy RD et al. N Engl J Med. 2016;375:919-31
(2) Khan SU et al. EurHeart J 2018
(3) Sanchez de la Torre M et al. Lancet Respir Med. 2020;8:359-67
(4) Justeau G et al. Chest. 2020 Jul 3;S0012-3692(20)31853-5
(5) Martinez-Garcia MA et al. Chest. 2018;154,1348-58
(6) Cubillos-Zapata C et al. Eur Resp J. 2019;53:1801298
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