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Dossier

Maladie athéromateuse

40 ans d’angioplastie... et encore des questions

Publié le 22/09/2017
40 ans d’angioplastie... et encore des questions

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MEHAU KULYK/SPL/PHANIE

L'angioplastie coronaire a soufflé cette année ses quarante bougies. Après avoir révolutionné la prise en charge des syndromes coronariens, la cardiologie interventionnelle s’attaque désormais à d’autres pathologies comme les valvulopathies. Pour autant, des questions se posent toujours avec tout un débat sur la place de l’angioplastie dans la maladie coronaire stable et de plus en plus de réserves sur son intérêt dans la maladie artérielle périphérique.

Le 16 septembre 1977, le Dr Andreas Roland Grüntzig réalisait la première dilatation coronaire chez l’homme. Quarante ans plus tard, le congrès européen de cardiologie (ESC, Barcelone 26-30 août) a été l’occasion de rendre hommage au génie précurseur du cardiologue zurichois tout en revenant sur les progrès majeurs de ces quatre décennies de cardiologie interventionnelle.

Du simple cathéter au ballonnet

L’histoire commence en fait au début des années 70. Persuadé qu’il est possible d’intervenir dans les artères coronaires sans chirurgie ouverte, le Dr Grüntzig s’emploie à détourner la technique pratiquée par l’Américain Charles Dotter pour recanaliser les artères de jambes. Alors que celui-ci utilise des cathéters de diamètre croissant, Grüntzig va mettre au point, un ballonnet en PVC gonflable à distance qu’il va perfectionner… sur la table de sa cuisine !

En 1976, la technique est suffisamment au point pour réaliser la première angioplastie coronaire chez le chien. La performance passe quasiment inaperçue mais à peine un an plus tard, le chercheur récidive et réalise la première dilatation coronaire par ballonnet chez l’homme. À partir de là, la frilosité initiale laisse place à l’enthousiasme et la technique va connaître un certain essor. Même si elle se heurte rapidement au problème de resténose.

Stents et anti- agrégants : le doublé français

L’arrivée des stents - qui permettent d’éviter le rappel élastique de la paroi - va progressivement changer la donne. En 1986, le Pr Jean Puel implante à Toulouse la première endoprothèse coronarienne. « Cela a été un grand moment mais les stents n’ont pas connu un succès immédiat car ils entraînaient des thromboses et on avait beau donner des AVK, de l’héparine, de l’aspirine, les patients thrombosaient quand même », témoigne le Pr Philippe-Gabriel Steg (hôpital Bichat, Paris).

La solution viendra d’un second Français : le Pr Paul Barragan (Marseille) qui va tester empiriquement, mais avec succès, un nouvel anti- agrégant plaquettaire, la ticlopidine qui permet en association avec l’aspirine, une réduction drastique du risque de thromboses de stents. Ce bénéfice de la ticlopidine puis de son successeur le clopidogrel sera ensuite confirmé par plusieurs essais randomisés. « C’est à partir de là que les stents - restés jusque-là un peu en demi-teinte - ont connu un essor foudroyant ».

Le troisième tournant va être l’avènement des stents actifs au début des années 2000. Enrobés de substances antiprolifératives (sirolimus, paclitaxel puis everolimus) cette nouvelle génération d’endoprothèses va permettre d’abolir quasiment les problèmes de resténoses liés à la réaction inflammatoire induite par le stent. En revanche, une nouvelle inquiétude surgit avec la mise en évidence de thromboses tardives. « En 2006, il y a eu un congrès de l’ESC très célèbre au cours duquel le Pr Camenzind (Nancy) a attiré pour la 1re fois l’attention sur ce problème en rapportant toute une série de cas de thromboses tardives », se souvient le Pr Steg. Mais, là encore, de nouveaux progrès (changement de polymères, barreaux plus fins...) vont permettre de contourner l’obstacle avec la mise au point d’une nouvelle génération de stents actifs « aux résultats presque parfaits ».
 

 

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Techniquement, cela devient difficile de faire mieux en matière d'angioplastie coronaire

Professeur Philippe Gabriel Steg

Une technique mature

Aujourd’hui, après une angioplastie, plus de 98 % des patients sont stentés avec un taux de complications bien en dessous de 5 % qu’il s’agisse de thrombose ou de sténose. « Cela devient donc difficile de faire mieux ».

Dans ce contexte, le développement de stents biodégradables dans les années 2010 apparaît davantage comme un challenge intellectuel que comme une réelle nécessité clinique. D’autant que « ces stents sont plus compliqués à mettre et associés à un risque accru de thrombose tardive », ce qui a conduit récemment à leur retrait du marché.

Plus que les stents en eux-mêmes, les progrès les plus récents ont surtout concerné l’évaluation des lésions à dilater avec l’apparition de méthodes physiologiques (fractionnal flow reserve) mesurant  des gradients de pression de part et d’autre de la lésion coronaire. « Il a été prouvé que cette méthode est beaucoup plus fiable et prédictive du risque d’événements ultérieurs que l’évaluation de l’artériographie pas si objective qu’on ne le croit ».

En parallèle, les progrès effectués dans la chimie des plastiques, ont permis de proposer des cathéters de plus en plus petits autorisant un accès radial plutôt que fémoral. La France a été l’un des premiers pays à généraliser cette voie d’abord qui réduit considérablement le risque de saignement et favorise l’ambulatoire.

Des indications toujours discutées

Aujourd’hui, l’angioplastie coronaire est « une technique mature » se félicite le Pr Steg. Pour autant, certaines questions perdurent quant aux indications notamment.

« Il y a encore une vraie place pour la chirurgie qui reste très compétitive pour les lésions du tronc commun de la coronaire gauche et pour les lésions pluritronculaires des diabétiques pour lesquelles la chirurgie sort plutôt vainqueur dans les essais randomisés », résume le Pr Steg.

À l’opposé, si la facilité de l’angioplastie a permis d’élargir le champ de la revascularisation, l’intérêt d’intervenir chez un patient stable présentant des lésions asymptomatiques découvertes par hasard est très discuté. « Il y a un débat féroce sur ce sujet. Les opinions sont très tranchées mais il y a peu de preuves et, contrairement à ce qu’on pourrait se dire intuitivement, les quelques études randomisées disponibles montrent que le traitement médical seul fait aussi bien que le traitement médical plus l’angioplastie ». Attendus pour l’an prochain, les résultats de l’essai Ischémia devraient permettre d’y voir plus clair.

Autre sujet de controverse : la durée optimale des anti-agrégants plaquettaires après angioplastie. « Avec l’arrivée des nouveaux stents actifs, cet aspect est tellement discuté que les sociétés savantes américaines et européennes viennent d’émettre des recommandations pour décrire la durée optimale en fonction de toutes les situations possibles et imaginables » (voir l'article).

Enfin, des questions se posent quant à l’intérêt de la revascularisation percutanée dans la maladie athéromateuse extra-coronarienne. Pour les carotides, très facilement accessibles à la chirurgie, la tendance est à revoir à la baisse la place de l’angioplastie par rapport à l’endariectomie (voir ci-dessous). Quant à l’AOMI, « on sait très bien dilater les lésions proximales mais la plupart des
gens graves ont des lésions distales »
.

Quoi qu’il en soit, l’angioplastie a complètement révolutionné le pronostic des patients notamment en post-IdM. « Quand j’ai passé l’internat, le traitement de l’infarctus se résumait au repos, à l’alitement pendant six semaines puis à la rééducation pour ceux qui avaient survécu, se souvient le Pr Steg. Aujourd’hui, le patient est dilaté dans l’heure qui suit son arrivée et ressort trois jours après… ».

Le défi maintenant est à l’extension de la cardiologie interventionnelle aux anomalies structurelles du cœur. Depuis dix ans, les cardiologues se sont mis aux dilatations puis aux remplacements valvulaires aortiques par voie percutanée (TAVI). Le nouveau challenge sera le traitement de la valve mitrale.
Autant d’évolutions que le Dr Andreas Grüntzig, décédé accidentellement en 1985, ne pourra pas apprécier, contrairement à son patient index toujours vivant et désormais âgé de 78 ans …

Dr Maia Bovard-Gouffrant et Bénédicte Gatin