Faut-il ou non dépister l’ischémie myocardique silencieuse du diabétique ? A l’instar de la France, de plus en plus de sociétés savantes plaident pour un dépistage ciblé sur les patients à risque. Mais le débat reste ouvert, comme en témoignent les échanges qui ont eu lieu sur le sujet lors du récent Forum Codia 2014. Un congrès qui a également permis de revenir sur les grandes études cardio/diabéto de 2013.
En matière de dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse du diabétique (IMS), la donne est en train de changer. En septembre dernier, l’EASD et l’ESC, dans un texte conjoint, ont emboité le pas aux préconisations françaises de 2004, stipulant qu’il est potentiellement intéressant de dépister une IMS chez des diabétiques à haut risque, une recommandation cependant faible qui ne s’appuie sur aucune étude.
C’est d’ailleurs pourquoi l’Association Américaine du Diabète (ADA) estime, quant à elle, que rechercher sys-
tématiquement l’ischémie myocardique?silencieuse chez tout diabétique asymptomatique n’est pas judicieux car probablement sans impact sur le pronostic à partir du moment où ces patients sont traités pour leur facteurs de risque cardiovasculaires associés au diabète.
Dépister pour anticiper
« En effet, reconnaît le Pr Patrick Henry (département de Cardiologie, hôpital Lariboisière, Paris), on n’a jamais fait la preuve que le dépistage améliorait le pronostic des patients – notamment parce que l’on ne peut identifier que les lésions stables qui ne sont pas les plus dangereuses – et que, quoi qu’il en soit, on traite déjà le diabétique pour ses facteurs de risque. Néanmoins, vu que ceux-ci décèdent en premier lieu de problèmes cardiovasculaires, il paraît utile de dépister l’IMS. » Pour autant, « découvrir une maladie coronaire ne signifie pas obligatoirement ponter ou revasculariser, poursuit le cardiologue. L’intérêt est plutôt de pouvoir optimiser au cas par cas les paramètres lipidiques, corriger les facteurs de risque, ceci avec plus d’énergie lorsqu’on sait que le patient est coronarien ».
Par ailleurs, connaître la présence de lésions coronaires permet de mieux appréhender certains symptômes atypiques que le patient peut ressentir (vague gène thoracique) et de les rattacher à une maladie coronaire éventuelle.
Priorité aux diabétiques à risque
Chez qui alors dépister l’IMS en priorité ? « On cherchait depuis la publication des recommandations françaises à dépister à tout va les anomalies cardiovasculaires chez les diabétiques. On s’y est épuisé. Désormais, on se focalise sur les patients les plus à risque », répond Patrick Henry.
« Screener ces patients est possible et des études fournissent des pistes. Une analyse de l’essai ADVANCE a identifié les facteurs de risque les plus prédictifs d’une IMS : l’âge, la durée de diabète (15-20 ans), la présence d’une fibrillation auriculaire, la pression pulsée et la protéinurie », poursuit le Pr Henry.
D’ailleurs, pour sélectionner le patient diabétique à risque de maladie coronaire, aux échelles de risque habituelles, l’ESC-EASD en préfère d’autres fondées sur le taux de LDL-c, le tabac, la présence d’une protéinurie, une insuffisance rénale… L’ESC-EASD ajoute un autre critère, à savoir une preuve d’athérome par Doppler carotidien ou des membres inférieurs.
Les calcifications coronaires comme marqueur de risque
La troisième piste est le score de calcification coronaire, au moyen d’un scanner cardiaque sans injection. Plus celui-ci est élevé, plus le nombre de plaques athéromateuses est important, plus le risque d’IMS est grand. Le patient est peut-être alors un coronarien sévère asymptomatique.
D’où l’importance de pister une ischémie myocardique silencieuse chez les patients avec un score de calcification coronarienne supérieur à 100 voire même 10. « Par exemple, poursuit le Pr Henry, si des patients fument, ont une micro-albuminurie, un profil lipidique défavorable, une hypertension artérielle, des antécédents familiaux, l’idée est de déterminer en premier lieu leur score de calcification coronaire (à répéter tous les 3-4 ans). Si celui-ci dépasse 10, on poussera plus loin l’investigation au moyen de l’imagerie (scintigraphie, IRM de stress…) afin d’anticiper le cas échéant sur l’accident coronaire. »