Sur les millions de prothèses posées à travers le monde, le risque d’infection ne dépasse guère 2 %. Malgré les protocoles préventifs adoptés au fil de l’expérience, le seuil de 1 % de risque paraît aujourd’hui infranchissable. Bien que relativement rares, ces évènements constituent un défi de santé publique au regard de la population totale des personnes opérées.
En effet, qu’elle qu’en puisse être la chronologie, la survenue d’une infection périprothétique hypothèque l’objectif fonctionnel du projet chirurgical, et les traitements nécessaires sont lourds et coûteux pour la collectivité (lire encadré), approchant dangereusement le cap des deux milliards de dollars par an aux États-Unis (NIH).
Les zones d’ombre de l’épidémiologie
Le développement des registres de prothèses a fait naître l’espoir de mieux comprendre l’étiologie de telles infections. Compte tenu de leur relative rareté, la collecte de données de masse est particulièrement pertinente pour dégager des observations significatives.
Les variables suspectées de favoriser l’apparition de l’infection sont innombrables et souvent intriquées, donc sources de confusion. Ainsi, le scellement des prothèses au méthylmétacrylate n’est pas nécessairement plus exposé au risque infectieux qu’une fixation sans ciment. D’ailleurs, le ciment utilisé est volontiers chargé d’antibiotiques, visant à être graduellement libérés pour prévenir l’infection. Ce choix d’un ciment aux antibiotiques semble validé par l’expérience mais la robustesse de cette validation présente des arguments de fragilité : faut-il privilégier un ciment chargé d’antibiotiques par le fabricant ou peut-on se contenter d’un mélange extemporané durant l’intervention elle-même ?
Les antécédents pathologiques de l’opéré·e font également partie de variables à prendre en compte : surpoids, diabète, infections urinaires récurrentes, implants dentaires etc.
Le risque est double chez les hommes mais on ignore pourquoi
L’extraction d’une variable déterminante au sein d’analyse de telles données de masse laisse souvent les chercheurs perplexes. Il est ainsi noté que le risque de telles infections périprothétiques est double sur la population masculine par rapport à la population féminine. L’explication de cette différence reste à ce stade mystérieuse, peut être en rapport avec des profils différents de défense immunitaire, tels que relevé durant l’épidémie de Covid.
Des mesures consensuelles
À défaut de pouvoir identifier, en préopératoire, tous les facteurs de risque spécifiques à chaque patient, force est de se contenter des stratégies préventives multidisciplinaires largement validées : préparation cutanée et générale de l’opéré·e, asepsie rigoureuse, l’antibioprophylaxie intraveineuse préopératoire réajustée en cas de difficultés techniques prolongeant la durée de l’intervention, etc. Ces mesures introduites dans la pratique interventionnelle quotidienne ne sont plus remises en question.
D’autres relèvent du domaine de la recherche expérimentale à ce stade : modification des surfaces de contact squelettique des implants, au moyen de revêtements antimicrobiens, utilisation de ciment chargé de combinaisons d’antibiotiques, etc.
Une prise en charge adaptée
La prise en charge d’une infection périprothétique dépend du stade évolutif au diagnostic mais, quel qu’il soit, son succès n’est pas garanti.
— À un stade postopératoire précoce, une chirurgie de nettoyage tissulaire avec conservation en place des pièces prothétiques initiales peut être tentée, sous couvert d’une antibiothérapie intraveineuse adaptée. Cette démarche, connue aux États-Unis sous l’acronyme Dair (pour débridement antibiothérapie implant rétention) ne connaît pas que des réussites, et s’avère parfois contreproductive, retardant parfois l’éradication infectieuse. En France, des Centres spécialisés de traitements des infections ostéoarticulaires (Crioac) ont été mis en place, à la fois pour des raisons médico-légales et d’optimisation de la distribution des soins.
— À des stades plus tardifs, de telles tentatives de sauvetage de la prothèse initiale ne sont plus de mise. Face à la détérioration fonctionnelle du résultat arthroplasique, une fois confirmé le diagnostic, parfois délicat, d’infection périprothétique, force est de recourir à une reprise/changement de la prothèse : soit en un seul temps opératoire, soit en deux temps, après intercalation provisoire d’une maquette prothétique de ciment chargé d’antibiotiques.
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