L’incontinence fécale, une nouvelle indication pour la toxine botulique

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Publié le 14/03/2024
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La toxine botulique est utilisée depuis de nombreuses années en urologie pour le traitement des vessies hyperactives. Son intérêt dans l’incontinence fécale par impériosités vient d’être démontré par une étude multicentrique française.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Les causes de l’incontinence anale étant nombreuses, l’enquête étiologique permet d’éliminer les causes « secondaires » (rectite, troubles de la statique rectale/pro​lapsus) et guider la prise en charge thérapeutique. En effet, en cas d’incontinence idiopathique, il faut distinguer les incontinences passives (besoin non ressenti, souillures) plutôt en rapport avec une hypotonie sphinctérienne et une hyposensibilité rectale (mégarectum), des incontinences actives, par impériosités, en rapport avec une insuffisance sphinctérienne et un rectum hypersensible ou hypercontractile. La prise en charge de l’incontinence active passe par le traitement médical, les irrigations coliques, la rééducation. En cas d’échec, les techniques chirurgicales de renforcement sphinctérien ou la neuromodulation des racines sacrées peuvent être proposées, avec des résultats favorables dans 60 à 70 % des cas mais avec de possibles effets secondaires et une efficacité limitée dans le temps.

Moins d’accidents et de besoins impérieux

Dans le cas de l’incontinence active ou mixte, l’efficacité des injections intrarectales de toxine botulique a été évaluée avec succès dans une grande étude multicentrique française (1) coordonnée par la Pr Anne-Marie Leroi (CHU de Rouen). Entre 2015 et 2020, 200 patients souffrant d’incontinence active ou mixte ont été inclus dans une étude randomisée en double aveugle pour recevoir des injections intrarectales de Botox (200 UI, injectées en sous-muqueux à 5, 10 et 15 cm de la marge anale) ou de sérum physiologique. À six mois, les patients du groupe placebo pouvaient recevoir à leur tour une injection de toxine botulique.

Le nombre d’accidents d’incontinence et de besoins impérieux quotidiens a été réduit significativement dans le groupe toxine (de 1,9 à 0,8) par rapport au groupe placebo (de 1,4 à 1 ; p = 0,0008 ; objectif principal) à trois mois, ainsi qu'à six mois (p = 0,03).

À trois mois, une réduction de plus de 50 % des accidents d’incontinence et des besoins impérieux était observée chez 73 % des patients du groupe toxine, contre 46 % du groupe placebo (p = 0,0001), des résultats qui étaient identiques à six mois. Il a aussi été constaté une amélioration significative du délai de retenue, ainsi que du score fonctionnel d’incontinence fécale (score de Cleveland) et de plusieurs domaines des scores de qualité de vie. Cela sans modification significative du nombre de selles quotidiennes.

Aucun effet indésirable grave lié au traitement n’a été rapporté, et le principal effet secondaire était une constipation dans 40 % des cas, un taux identique dans les groupes toxine et placebo. Sur le plan fonctionnel, il n’y a pas eu de modification significative des paramètres manométriques, ni de la compliance rectale évaluée par barostat dans un sous-groupe de 55 patients.

Simplicité, efficacité et faible coût

Ces résultats sont particulièrement intéressants parce qu’ils apportent une solution simple et efficace pour le traitement de l’incontinence fécale active, en cas d’échec des traitements médicaux, dont l’objectif est surtout de réguler le transit intestinal, mais aussi d’améliorer la fonction sphinctérienne via le biofeedback.

Une réparation sphinctérienne peut être proposée en cas de rupture significative et isolée du sphincter externe, mais avec des résultats limités dans le temps ne dépassant pas 50 % d’amélioration à cinq ans (2). En l’absence de rupture sphinctérienne, il est actuellement proposé un test de neuromodulation des racines sacrées qui, s’il est positif, va conduire à l’implantation sous-cutanée d’un stimulateur. Environ 75 % des patients perçoivent alors une amélioration de leur continence à cinq ans (3), mais une étude contrôlée comparant les périodes « avec » et « sans stimulation » n’a pas relevé de différence significative (4).

Sans compter le coût et les potentiels effets indésirables (douleurs, infections) du stimulateur.

Dans ce contexte, les injections intrarectales de toxine botulique représentent une avancée considérable. Il s’agit d’un traitement efficace, simple (en consultation externe après une simple préparation par lavements), sûr et bon marché (200 UI aux alentours de 300 euros TTC l’injection) par rapport à la neuromodulation (aux alentours de 7 000 euros pour le test de stimulation et l’implantation).

Comme attendu, l’efficacité des injections est limitée dans le temps, entre 6 et 12 mois, mais celles-ci peuvent être répétées sans difficulté et, selon l’expérience des investigateurs de l’étude, sans perte d’efficacité sur le long terme.

(1) Anne-Marie Leroi et al. Lancet Gastroenterol Hepatol. 2024 Feb;9(2):147-58

(2) A.J. Malouf et al. Lancet. 2000 Jan 22;355(9200):260-5

(3) Hull, C et al. Dis Colon Rectum. 2013 Feb;56(2):234-45

(4) Leroi AM et al. Ann Surg. 2005 Nov;242(5):662-9


Source : Le Quotidien du Médecin