L’étude ANRS SeptaVIH s’est attachée à évaluer la fragilité des personnes de plus de 70 ans vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral. « Ces personnes âgées, malgré une longue durée d’infection, sont le plus souvent en succès immunovirologique. Et, surtout, elles sont moins fragiles qu’on aurait pu l’imaginer, résume la Dr Clotilde Allavena (CHU de Nantes) qui présentait cette étude à la Croi (1). Les deux tiers d’entre eux sont néanmoins en état de préfragilité. Les facteurs de risque en sont essentiellement, dans cette population, les conditions socio-économiques défavorables, la présence de comorbidités et une fonction cognitive altérée. En revanche, les éléments liés au VIH ne sont pas associés dans, cette cohorte, au risque de fragilité. »
L’âge médian de la population VIH+ a dépassé les 50 ans
« Il y a quinze ans, nous ne parlions pas de vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH. Cette épidémie est souvent encore perçue comme touchant essentiellement les adultes jeunes. Pourtant, les plus de 50 ans représentent aujourd’hui en France la moitié de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH, dont l’âge médian se situe désormais autour de 50 à 53 ans. Les études de modélisation ont d’ailleurs montré que leur espérance de vie sous traitement était désormais très proche de celle de la population générale. On assiste, du coup, à l’émergence d’une population gériatrique VIH+, explique la Dr Allavena. Avec à la clé une question : comment vieillissent-ils, subissent-ils un vieillissement accéléré du fait de la maladie et des traitements ? C’est pour y répondre que nous avons mené cette étude. »
Beaucoup d’hommes de milieux favorisés dont un quart au stade Sida
Au total, l’étude porte sur plus de 500 personnes vivant avec le VIH de plus de 70 ans recrutés dans 16 centres en France. Ils ont 73 ans d’âge médian. Un tiers a plus de 75 ans. « C’est la première étude conséquente dans ce type de population gériatrique », souligne la Dr Allavena. Parmi eux, 80 % sont des hommes − quand on est à moins de 50 % d’hommes en population générale chez les plus de 70 ans en France. Environ 80 % sont nés en France. Ils ont le plus souvent été contaminés lors de rapports sexuels d’hommes à hommes. À noter, leur niveau socioéconomique est plus élevé que dans les autres cohortes VIH. Parmi eux, 40 % sont allés à l’université et 60 % sont propriétaires. Ils ont généralement une longue histoire d’infection VIH (23 ans) avec des traitements efficaces pour la plupart d’entre eux. Leur taux de CD4 médian est de 562 cellules/µl. Leur charge virale est inférieure à 50 copies/ml dans 95 % des cas. Un quart d’entre eux sont néanmoins au stade Sida. Enfin, ils ont de nombreuses comorbidités (3 en valeur médiane), ils sont donc largement polymédiqués.
Prévenir l’évolution vers la dépendance
À l’inclusion, une évaluation gériatrique simplifiée a été réalisée chez tous les patients. Elle comprenait notamment un recueil de l’historique clinique et thérapeutique de l’infection VIH et des comorbidités, de la survenue de chutes, des fonctions physiques et cognitives (MoCA) et des désordres psychologiques (CES-D). Le niveau de fragilité des sujets a ensuite été évalué à partir des 5 critères du Fried frailty phenotype (FFP). À savoir : amaigrissement récent et spontané, faible force de préhension, épuisement, lenteur de la marche et faible activité physique. Les sujets ont ensuite été classés en trois groupes : robustes (zéro critère), pré-fragiles (1 à 2 critères) ou fragiles (plus de 2 critères).
« À l’inclusion, 23 % de ces sujets sont robustes, 63 % sont pré-fragiles et 13 % sont fragiles. Malgré la maladie et les traitements, le pourcentage de fragiles observé dans cette cohorte est donc proche de celui retrouvé en population générale. Probablement parce que ces personnes ont un profil de ‘survivants’. On a en revanche beaucoup de sujets en état de pré-fragilité. Ils représentent 60 % de la cohorte, commente la Dr Allavena. Il est d’ores et déjà très intéressant de dépister, identifier ces fragiles et pré-fragiles. La fragilité, comme la pré-fragilité, qui se révèlent sous l’effet d’un stress physique, tel une chute, ou psychologique, tel un deuil, représentent en effet une situation encore potentiellement réversible, sous réserve d’être dépistée et prise en charge. C’est l’étape juste avant la dépendance, qui est, quant à elle, irréversible. Nous allons les suivre annuellement, comme toute la cohorte, durant 5 ans. Et voir en particulier comment ces personnes fragiles et pré-fragiles évoluent ».
Exergue : L’espérance de vie sous traitement est désormais très proche de celle de la population générale
(1) C Allavena et al. Prevalence and determinants of frailty in PLHIV aged 70+: ANRS SeptaVIH study. Abstract 537; Croi 2021
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