La myopie est le trouble réfractif le plus fréquent dans le monde. Liée le plus souvent à une augmentation de la longueur axiale de l’œil, elle se définit par une vision floue de loin, l’image d’un objet se formant en avant de la rétine.
Le nombre d’enfants myopes augmente de façon considérable avec, dans certaines régions du monde comme en Asie, pratiquement 80 % des enfants atteints. En Europe, la myopie concerne 30 % de la population, tous âges confondus, un chiffre qui devrait atteindre 50 % en 2050. Une situation d’autant plus inquiétante que le nombre de myopies fortes (au-delà de -6 dioptries) augmente aussi, et qu’elles sont encore plus exposées au risque de complications, cataracte précoce, glaucome, décollement de rétine et dégénérescence maculaire. La myopie forte concerne de 10 à 20 % des myopes et constitue un réel enjeu de santé publique.
Dépister les enfants à risque
La myopie est multifactorielle. Il existe indubitablement une prédisposition génétique (20 paires de chromosomes sont impliquées et plus de 50 gènes), le risque de devenir myope est multiplié par 1,7 si un parent est myope, et par 4 si les deux le sont. On sait aussi que la myopie est plus forte dans certaines populations, et en particulier en Asie.
Mais d’autres facteurs modifiables entrent en compte, notamment le temps passé à l’extérieur, la stimulation lumineuse freinant l’accroissement de la longueur axiale de l’œil ; chez un enfant qui passe plus de 2 heures par jour à l’extérieur, on diminue d’un tiers la myopie. Autre élément essentiel, le temps passé à travailler de près : l’explosion, en particulier chez les enfants, de l’utilisation des écrans, participe largement au risque de développer une myopie.
« Il est conseillé d’adresser à un ophtalmologiste un enfant de moins de 6 ans dont les deux parents sont myopes, a fortiori s’il est d’origine asiatique, de même que les enfants passant moins d’une heure et demie par jour en extérieur et/ou plus de trois heures à travailler ou jouer en vision de près », insiste la Pr Claude Speeg-Schatz (Strasbourg), présidente de la Société française d’ophtalmologie (SFO).
La consultation s’enquiert des antécédents familiaux, de l’hygiène de vie, évalue l’acuité visuelle de loin et de près, de la valeur myopique sous cycloplégie, mesure la longueur axiale, qui servira de référence pour les consultations ultérieures ; chez un enfant qui, à 6 ans, a moins – 0,75 δ avec une augmentation de plus d’une dioptrie par an, le risque de myopie galopante est élevé.
À côté de ces myopies axiales non congénitales, certaines autres peuvent être congénitales, alors souvent associées à une rétinopathie avec risque de décollement de rétine. D’autres myopies ne sont pas congénitales mais syndromiques. Devant toute myopie forte, il faut rechercher d’autres atteintes, en particulier celles qui peuvent orienter vers un syndrome de Marfan.
Mettre en œuvre les moyens de freination
Parmi les facteurs de freination, les collyres à base d’atropine (à 0,01 % ou 0,05 %, une goutte le soir au coucher) stabilisent la croissance de la longueur axiale dans 60 % des cas.
Elles peuvent être associées à des lentilles ou des lunettes à défocalisation périphérique. À noter qu’on ne fait pas de chirurgie réfractive chez l’enfant. Les lunettes à défocalisation périphérique (trois fabricants existent en France, mais seuls Hoya et Essilor ont mené des études) réduisent la progression de la myopie et l’élongation axiale dans deux tiers des cas.
En orthokératologie, des lentilles semi-rigides portées la nuit remodèlent la courbure de la cornée. Elles assurent un effet freinateur sur la myopie de 50 % à 2 ans.
Mais, pour tous ces moyens freinateurs, on ne sait pas exactement ce qu’il en est de l’évolution de la myopie après leur arrêt.
Il faut expliquer aux parents l’importance de la prévention, en augmentant l’exposition à la lumière et en limitant le temps passé devant les écrans, d’autant que leur lumière bleue pourrait être délétère pour la macula. Il faut aussi les avertir de la possibilité de freiner l’évolution de la myopie.
Entretien avec la Pr Claude Speeg-Schatz (Strasbourg), présidente de la SFO
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