Si la majorité des troubles visuels transitoires relèvent de causes « bénignes » – sécheresse oculaire, problème cornéen ou de la surface oculaire, troubles visuels transitoires répétés au réveil – le premier objectif de la démarche diagnostique est de ne pas méconnaître un accident ischémique transitoire (AIT) rétinien ou cérébral embolique, avec un potentiel AVC, ni une maladie de Horton et son risque de baisse visuelle permanente.
En pratique, on demandera si la baisse visuelle est brutale ou non, sa durée, son caractère uni- ou bilatéral, le nombre d’épisodes, d’éventuels facteurs déclenchants, et on recensera les signes associés — difficultés à lire, vision de zigzags, douleurs oculaires, cervicales ou céphalées, symptomatologie évoquant un Horton ou une atteinte neurologique. Mais l’origine du trouble est souvent difficile à préciser par le seul interrogatoire.
Un œil ou les deux ?
« Il est essentiel de déterminer si le trouble affecte un œil ou les deux. Un trouble monoculaire suggère une atteinte au niveau de la rétine ou du nerf optique, un trouble binoculaire orientant plutôt vers le chiasma optique ou les voies visuelles rétro-chiasmatiques », explique la Dr Valérie Biousse (États-Unis). Mais le caractère uni ou bilatéral n’est pas toujours évident si le trouble a été très bref. En cas d’incertitude, le bilan sera celui d’une atteinte monoculaire incluant une imagerie cérébrale.
L’examen ophtalmologique est détaillé mais rapide – pupilles, angle iridocornéen, fond d’œil (FO), pression oculaire, recherche d’un Claude Bernard-Horner – éventuellement complété par une angiographie à la fluorescéine ou une OCT, sans oublier l’examen cardiovasculaire et de la palpation des artères temporales. Les anomalies ne sont pas toujours évidentes à l’examen clinique du fait du caractère transitoire des troubles, mais il permet le plus souvent de distinguer globalement une cause oculaire/orbitaire d’une cause vasculaire.
Vasculaire ou non ?
Lorsque le trouble visuel est probablement binoculaire, et donc cérébral, des difficultés à voir sur le côté, l’impossibilité de lire, suggèrent une hémianopsie latérale homonyme transitoire. Des troubles visuels positifs, à type de lignes brisées, sont toujours secondaires à une atteinte occipitale.
Dans les atteintes monoculaires, on essaie de préciser le niveau anatomique (œil, rétine, nerf optique) et son origine, vasculaire ou non. Un début brutal, une durée brève, une perte visuelle complète sont très évocatrices d’une atteinte ischémique transitoire de la rétine ou du nerf optique. Les atteintes monoculaires non vasculaires sont multiples : problèmes au niveau de la surface oculaire, de la chambre antérieure ou du cristallin, anomalie de réfraction, de la pression intraoculaire ou fermeture de l’angle iridocornéen ; elles peuvent aussi correspondre à des lésions de l’interface vitré/rétine, de la rétine ou du nerf optique.
Des urgences à éliminer
Si on suspecte une atteinte vasculaire, il est essentiel de poursuivre les investigations avec un examen détaillé du FO. Si celui-ci montre des embols rétiniens, il s’agit probablement d’un AIT rétinien ou cérébral, le patient doit alors être adressé dans un service d’urgence doté d’une unité neurovasculaire.
L’ischémie choroïdienne ou une neuropathie optique ischémique sont quant à elles très évocatrices d’une vascularite, de type maladie de Horton. Il faut l’évoquer chez toute personne de plus de 50 ans, et réaliser en urgence un bilan biologique — NFS, plaquettes, VS, CRP, plaquettes — et, en cas d’anomalie, traiter comme un Horton, avec corticothérapie IV et biopsie de l’artère temporale.
Une asymétrie des veines de la rétine oriente vers une pré-occlusion de la veine centrale de la rétine. Enfin, le FO est strictement normal en cas de spasme de l’artère centrale de la rétine ; cela constitue une cause assez fréquente de troubles visuels transitoire chez un sujet jeune sans facteur de risque cardiovasculaire, mais reste un diagnostic d’élimination.
« En urgence, il faut d’emblée pouvoir éliminer une maladie de Horton et un AIT rétinien ou cérébral, à la fois par rapport au risque immédiat d’AVC et au risque cardiovasculaire, qui impose une IRM et un traitement adapté », souligne la neuro-ophtalmologue.
Session « Rapport sur la Neuro-Ophtalmologie »
Article précédent
Des moyens de freiner la myopie
Article suivant
Dépister les dépôts amyloïdes
Lentilles thérapeutiques, des indications variées
Des moyens de freiner la myopie
Troubles visuels transitoires : traquer l’AIT
Dépister les dépôts amyloïdes
Anti-VEGF : un risque dû au terrain ?
Un congrès virtuel, qui deviendra hybride
En bref...
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?