Encourager ou bannir Jeux vidéo et tablettes

3,6,9,12 : les conseils doivent être adaptés en fonction de l’âge

Publié le 25/09/2014
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Crédit photo : PHANIE

« Les jeux vidéo, c’est comme la littérature, c’est différent pour chaque âge, et ça ne commence pas à la naissance », lance le Dr Serge Tisseron, psychiatre spécialiste des nouvelles technologies.

À la question, faut-il ou non encourager l’usage des jeux vidéo, la réponse à donner aux enfants et adolescents est à penser, d’abord, en fonction de leur âge. D’où la règle des 3-6-9-12 élaborée par Serge Tisseron et entérinée par l’académie des sciences.

Jamais seul

Avant 3 ans, l’usage d’un jeu vidéo n’apporte rien par rapport aux jouets traditionnels. « Si on utilise une tablette, seule importe la relation », insiste le psychiatre. Il est donc essentiel d’accompagner l’enfant durant l’activité. Autre recommandation, commune aux tranches d’âge suivantes : le temps de jeu doit être limité. Le Dr Tisseron conseille vingt minutes maximum par jour après trois ans, tous écrans confondus (télé comprise). Ce temps est ensuite progressivement augmenté, en proscrivant la télé et l’ordinateur dans la chambre. L’enfant est invité à organiser lui-même son temps d’écran hebdomadaire de façon à apprendre à s’autoréguler. En outre, « quel que soit l’âge, il faut privilégier les jeux à plusieurs en présence physique réelle », conseille le spécialiste. Jusqu’à l’adolescence, les jeux en réseau sur Internet doivent être réservés aux enfants de parents connaisseurs. La violence des jeux doit également retenir leur attention. Qui peuvent se repérer en échangeant avec d’autres parents, et en consultant les indications d’âge inscrites sur les boîtiers. « Il est essentiel de veiller à ces normes », insiste le Dr Tisseron, qui invite à se renseigner sur le site Pedagojeux.fr, une mine d’informations pour les familles.

Du jeu à la narration

Mais limiter le temps d’écran et choisir les jeux n’est pas tout. Les parents ont un rôle essentiel à jouer en tant qu’interlocuteur. Demander à l’enfant pourquoi il souhaite un jeu plutôt qu’un autre, le questionner sur ce qu’il y fait (...) sont autant de moyens d’échanger avec l’enfant autour du jeu. « Si ces jeux intéressent nos enfants, il est important de nous y intéresser aussi, explique encore Serge Tisseron. D’autant que la plupart des enfants pensent que les adultes méprisent leur activité ». C’est pourquoi le spécialiste encourage les parents, de même que les professionnels de l’enfance, à discuter avec l’enfant de son activité. Un échange « informatif pour l’adulte et structurant pour l’enfant », explique le psychiatre. « En parlant avec lui, on l’invite à passer de l’intelligence visuelle à l’intelligence narrative, et d’une activité souvent sensori-motrice à une activité réflexive ». Bâtir des phrases, mettre des mots sur les sensations et les émotions vécues dans le jeu oblige à construire la pensée. « Même les jeux construits autour d’une histoire peuvent être joués par essais et erreurs, de façon automatique et sans réfléchir », ajoute le Dr Tisseron.

Encourager la créativité

Un autre moyen d’orienter l’enfant vers des pratiques structurantes est de l’inciter à développer sa créativité, en lui proposant, par exemple, de confectionner un fond d’écran pour l’ordinateur familial (ou la tablette) illustré des héros de son jeu vidéo. « C’est un moyen de valoriser les activités de l’enfant y compris à l’intérieur des jeux vidéos », souligne le Dr Tisseron. Un principe repris par de nombreuses institutions de l’enfance qui n’hésitent pas à développer des thérapies médiatisées autour des jeux vidéo, dont l’intérêt est démontré cliniquement chez l’adolescent. Le spécialiste en convient : « Échanger avec un jeune autour du jeu vidéo, c’est l’aider à poser des repères narratifs, cognitifs, temporels, etc. C’est-à-dire des repères qui lui seront indispensables tout au long de sa vie. »

Serge Tisseron, 3-6-9-12 : Apprivoiser les écrans et grandir ? Ed Érès, 1re édition 2013, 133 p., 10 euros.

Dr Ada Picard

Source : Le Quotidien du Médecin: 9351