Les épisodes dépressifs des troubles bipolaires sont souvent mal reconnus, confondus avec une dépression de type unipolaire. La présence d’un épisode maniaque ou hypomaniaque est parfois difficile à identifier dans les antécédents de la vie du patient car, dans la majorité des troubles bipolaires, les phases dépressives prédominent largement, en intensité comme en durée, sur les phases maniaques.
Dans un suivi prospectif de plus de 10 ans de patients bipolaires (de type I et II), l’étude collaborative depression study du NIMH a bien montré que ces patients passent plus de la moitié de leur vie déprimés. D’autres études plus récentes le confirment : les symptômes dépressifs sont trois fois plus fréquents que les symptômes maniaques lors des troubles bipolaires de type I et représentent 90 % de la symptomatologie dans ceux de type II. Ces épisodes dépressifs sont à l’origine d’un risque plus élevé de suicides (10 fois plus que dans la population générale).
Dans la moitié des cas environ, le trouble bipolaire commence par un épisode dépressif considéré alors comme unipolaire jusqu’à l’apparition d’un épisode hypomaniaque ou maniaque, parfois plusieurs années après.
Éléments orientant le diagnostic
En dehors de la présence de phases hypomaniaques/maniaques, certains éléments peuvent toutefois orienter le diagnostic vers une dépression bipolaire, plutôt qu’unipolaire : l’apparition à un âge plus précoce (< 25 ans), de nombreux épisodes antérieurs (> 3), un taux de récurrence rapide (≥ 4 épisodes/an), une caractéristique saisonnière plus marquée, une histoire familiale de bipolarité et/ou de toxicomanie, une hypersomnie et une hyperphagie (prise de poids), un ralentissement psychomoteur, des symptômes psychotiques, la présence de comorbidités (troubles anxieux, TOC) et une résistance aux traitements antidépresseurs.
« Ce virage sous antidépresseurs a d’ailleurs été introduit dans le DSM-5 qui a intégré l’épisode maniaque/hypomaniaque complet émergeant pendant le traitement antidépresseur et persistant au-delà de l’effet physiologique de celui-ci, comme un critère suffisant pour le diagnostic d’un épisode maniaque/hypomaniaque », a expliqué le Dr Daniel Souery (Bruxelles).
Nouvelles pistes thérapeutiques
Les antidépresseurs étant généralement peu efficaces lors de la dépression bipolaire, de nombreuses molécules sont testées afin de répondre à ce défi.
Les dopaminergiques, notamment le pramipexole, ont fait l’objet de deux essais cliniques randomisés contrôlés portant sur de petits échantillons de patients bipolaires de type I et II. Il apparaît bien toléré et plus efficace que le placebo.
Le modafinil et l’armodafinil ont également fait l’objet d’études, ainsi que le riluzole. « La lurasidone a montré son efficacité dans la dépression bipolaire à des doses de 20-60 mg/j avec une bonne tolérance et un effet qui se maintient. Un autre antipsychotique de 2e génération, la cariprazine, est testée dans les troubles bipolaires de type I », a indiqué le Pr Jean-Michel Aubry (Genève, Suisse).
Le rapastinel, qui cible le système glutamatergique, semble prometteur. D’autres études sont en cours avec la N-acetylcysteine. Enfin, la kétamine est une autre piste explorée. Son énantiomère, l’eskétamine (Spravato) en spray intranasal (réservé à l’usage hospitalier) dispose aujourd’hui d’une AMM dans les épisodes dépressifs caractérisés résistants chez des adultes présentant une contre-indication à l’électroconvulsivothérapie (ECT).
Efficacité de l’ECT
« L’ECT est un traitement de choix dans les dépressions bipolaires, a souligné la Dr Clélia Quiles (Bordeaux). De nombreux patients étant résistants aux traitements pharmacologiques. » L’ECT a montré son efficacité dans toutes les phases du trouble bipolaire. De nombreuses métaanalyses confirment son effet. Sa rapidité et son taux de réponse (qui peut atteindre 80 % des sujets) sont plus importants dans la dépression bipolaire que dans l’épisode dépressif caractérisé non bipolaire. L’âge élevé est un facteur de bon pronostic. Les facteurs de mauvais pronostic sont l’association d’un trouble de la personnalité ou d’un trouble obsessionnel compulsif. Quant aux études de stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS), elles sont encourageantes mais ne permettent pas encore de conclure sur son efficacité.
Exergue : L’épisode maniaque peut apparaître des années plus tard
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