Arrivée en pratique clinique au début des années 2010, la prophylaxie pré-exposition du VIH (PrEP) a largement démontré son efficacité pour réduire le risque d’infection par le VIH à l’échelle individuelle. Mais qu’en est-il sur le plan collectif ? Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains ont voulu s’assurer de l’impact de cette prophylaxie sur le cours de l’épidémie aux États-Unis depuis son implémentation dans le pays en 2012.
PrEP, un impact individuel et populationnel
Dans cette optique, le niveau de couverture par PrEP des personnes éligibles à la prophylaxie a été calculé État par État et année par année entre 2012 et 2021, et une association avec l’incidence du VIH a été recherchée. Au total, une corrélation très nette se dégage entre le déploiement de la PrEP et le recul du VIH : dans les dix États où la PrEP était le plus utilisée (couverture de près de 16 % des personnes éligibles), une chute des nouveaux diagnostics de VIH était observée. Au contraire, dans les dix États disposant de la moins vaste couverture par PrEP (moins de 6 % des personnes éligibles), une augmentation de l’incidence de l’infection était enregistrée.
De plus, alors que dans plusieurs pays, comme les États-Unis, la PrEP à la demande suscite une certaine méfiance, un bilan des données disponibles tend à rassurer quant à l’acceptabilité et l’efficacité de la méthode, y compris en cas de faible concentration de médicament au site sexuel d’exposition.
D’ailleurs, alors que la PrEP à la demande est toujours perçue comme inefficace chez les femmes hétérosexuelles – chez qui seule une administration quotidienne et assidue de Truvada est considérée comme protectrice –, une récente revue de 22 études (Mazzaro et al, Jama, 2014) ne retrouve pas de perte d’efficacité entre une PrEP quotidienne (7 jours sur 7) ou réduite à 4 à 6 prises par semaine, ouvrant la voie à davantage de souplesse.
La PEP efficace en vie réelle
La prophylaxie post-exposition (PEP) des IST bactériennes par doxycycline dans les populations à risque a aussi beaucoup fait parler d’elle lors du congrès, trois études venant conforter l’intérêt de cette stratégie.
Une extension de l’essai américain Doxypep a confirmé la capacité de la doxycycline administrée dans les 72 heures après un rapport sexuel à risque à réduire l’incidence des IST bactériennes : après suspension précoce de cet essai pour efficacité en 2022, tous les participants encore suivis (soit 300 hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et femmes transgenres avec antécédent d’IST bactérienne dans l’année écoulée) se sont finalement vu proposer de la doxycyline, ce qui a conduit à une réduction durable des IST (incidence diminuée de presque moitié dans le groupe traité dans un second temps).
L’efficacité de la doxycycline a été retrouvée en vie réelle, au sein d’un service de santé sexuelle américain proposant cette PEP depuis 2022. Dans ce centre, où la doxy-PEP a suscité un engouement important – avec des demandes de 40 % des patients éligibles –, un recul de 58 % des IST bactériennes a été observé entre juin 2022 et septembre 2023, principalement attribuable à une réduction des chlamydioses (- 67 %) et de la syphilis (- 78 %).
Cette dynamique a aussi été observée à plus grande échelle. Selon une étude écologique qui s’est penchée sur l’incidence des IST bactériennes parmi les HSH et les femmes transgenres de San Francisco, dans les 13 mois suivant l’implémentation de la doxy-PEP, 50 % de cas de chlamydia et de syphilis de moins qu’attendu ont été observés.
En revanche, ces données confirment le peu d’efficacité de la doxy-PEP sur l’infection à gonocoque, avec une incidence peu ou pas modifiée dans ces deux dernières études, comme suggéré antérieurement dans d’autres travaux. D’où l’évaluation, au sein de l’essai Doxyvac, d’une stratégie alternative, mêlant prise de doxycycline après un rapport non protégé et administration préventive du vaccin méningocoque B – censé prévenir l’infection à gonocoque par protection croisée. Les résultats finaux de cet essai s’avèrent eux aussi décevants : si une réduction importante du risque de chlamydiose et de syphilis est bien observée, le vaccin contre le méningocoque ne semble pas réduire significativement le risque d’infection par gonocoque – malgré des résultats préliminaires prometteurs.
Autres bémols : dans Doxyvac, une augmentation de la proportion de gonocoques présentant une résistance de haut niveau aux tétracyclines a été enregistrée. Et dans l’extension de Doxypep, les participants de l’ancien groupe contrôle ont rapporté deux fois plus de relations sexuelles sans préservatif, une fois sous doxycycline. D’où l’importance de continuer de suivre les effets de ce type d’approches à long terme.
D'après les sessions « Game Changers in Prevention of HIV and Sexually Transmitted Infections » et « Promise and Pitfalls of Biomedical Prevention: Beyond Phase III »
Article suivant
VIH : les nouveaux sentiers de la recherche vaccinale
De la PrEP à la doxy-PEP, la prophylaxie biomédicale à l’honneur
VIH : les nouveaux sentiers de la recherche vaccinale
Les anti-infectieux à l’ère de la longue durée d’action
Vers une réduction plus interventionniste du risque cardiovasculaire chez les patients séropositifs ?
Transmission maternofœtale : quatre enfants en rémission grâce à un traitement ultra-précoce
Une fenêtre ouverte sur le réservoir du VHB
Tuberculose, un candidat vaccin délétère ?
SMS Congrès CROI 2024
Sérologie sans ordonnance, autotest : des outils efficaces pour améliorer le dépistage du VIH
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP