Ces vingt dernières années, la consommation d'antibiotiques en France - même si elle reste parmi les plus élevées d'Europe* - a nettement diminué. Et ceci en trois phases, met en lumière un rapport de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), publiée ce 26 juillet. Cette 7e édition étudie l'évolution du phénomène entre 2000 et 2020, en médecine de ville et à l'hôpital, en lien avec Epi-Phare.
Si l’essor des antibiotiques depuis la fin des années 1940 a conduit à une réduction et à un contrôle des infections bactériennes, il s’est aussi accompagné d’une réduction de leur efficacité, au point de générer des impasses thérapeutiques de plus en plus fréquentes, explique l'ANSM. Et de rappeler que la baisse de consommation des antibiotiques est une priorité pour préserver leur efficacité - même si elle ne saurait à elle seule être une recette miracle contre l'antibiorésistance, comme l'a montré un récent article du « Lancet Planetary Health ».
Trois périodes de diminution significative
L'ANSM distingue trois périodes jusqu'à 2019 : une baisse de 22 % entre 2001 et 2004, après la campagne de l'Assurance-maladie « les antibiotiques, c'est pas automatique », puis une stabilisation entre 2005 et 2016 (avec des variations de ± 7 % d’une année à l’autre) et une nouvelle baisse de 8,5 % entre 2016 et 2019 à la suite de la publication d'une feuille de route interministérielle.
Dans le détail, entre 2000 et 2019, la ville recourt de manière privilégiée aux pénicillines comme l’amoxicilline (+ 18 %), tandis que l'utilisation des céphalosporines et des fluoroquinolones a baissé, respectivement de 72 % et 44 %. En 2019, deux prescriptions sur trois sont effectuées dans le cadre d’une affection des voies respiratoires ; une prescription sur sept vise une affection de l’appareil urinaire. En volumes de boîtes, la consommation globale d’antibiotiques en ville est ainsi passée de 194 à 139 millions entre 2000 et 2019 ; en 2019, elle s'établit à 18,4 millions de boîtes en établissements de santé.
À noter, il existe une forte différence entre hommes et femmes (à partir de 15 ans), ces dernières recevant davantage de prescriptions d’antibiotiques, avec un ratio proche de 2 (64 % versus 36 %), en partie en raison des traitements liés aux infections urinaires. Par ailleurs, 96 % des prescriptions en 2019 ont porté une durée de traitement comprise entre 1 et 15 jours et 75 % sur une durée inférieure ou égale à 7 jours.
L'année 2020 marquée par la crise du Covid
Dès 2019, l'ANSM observe une baisse de la consommation d'antibiotiques, de -19 % en une année, presque autant que sur 2000-2019 (-20 %). Cette réduction est portée tant par la ville, qui a infléchi sa consommation d'amoxicilline de 30 % et d'amoxicilline-acide clavulanique de 15 %, mais aussi par l'hôpital (-16 % d'amoxicilline, -20 % d'amoxicilline-acide clavulanique).
Quant à l'année 2020, la consommation est sans surprise atypique, en raison de la crise du Covid. Une baisse importante de la consommation des antibiotiques a été observée en ville, surtout au deuxième semestre (en raison du confinement et des mesures barrières), ainsi qu'à l'hôpital. Exception faite pour macrolides, dont la consommation a doublé par rapport à 2019 (passant de 0,05 à 0,09 dose définie journalière [DDJ]/1 000 habitants/jour), à cause de l'utilisation d'azithromycine dans des protocoles non validés de prise en charge du Covid-19. Dans les hôpitaux, les niveaux de consommation sont restés équivalents (environ 0,15 DDJ/1 000 habitants/jour, correspondant à des parts comprises entre 9 et 10 %) pour les quinolones, macrolides, lincosamides et streptogramines ainsi que les autres antibactériens.
« Les données de consommation des prochaines années permettront de confirmer ou non cette tendance. Les résultats de l’année 2021 laissent en effet présager que cette baisse s’expliquerait plutôt par les confinements et les gestes barrières mis en place durant cette crise sanitaire », analyse l'ANSM. Et d’insister, à la suite de Santé publique France, sur le fait que les antibiotiques n’ont aucune efficacité contre les infections virales, dont les bronchiolites, la grippe, le Covid-19, les rhinopharyngites et la grande majorité des angines et des otites.
*Consommation en ville de doses définies journalières (DDJ) de 23,1 pour 1000 habitants par jour en 2019, la moyenne européenne étant de 19,4 DDJ/1 000 habitants/jour.
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