La mortalité associée au cancer du pancréas augmente et si rien ne change, le cancer du pancréas devrait devenir « la deuxième cause de mortalité par cancer dans les années 2030 en Europe » a alerté l’Académie nationale de Chirurgie lors d'une conférence de presse.
Cette augmentation de la mortalité serait d’abord due à une hausse de l’incidence de la maladie. Selon l’Académie, le nombre de nouveaux cas augmente globalement de 3 % par an. Ainsi, comme l’a souligné le Pr Vinciane Rebours, chef du service de pancréatologie et d’oncologie digestive à l’hôpital Beaujon (AP-HP), « un doublement de l’incidence a (déjà) eu lieu entre 2000 et 2006, puis de nouveau entre 2006 et 2012 » et la tendance est toujours à l'augmentation.
Une augmentation réelle de l’incidence du cancer du pancréas
Cette « épidémie » de cancer du pancréas apparaît potentiellement liée à la diffusion de certains de ses facteurs de risque. À l’instar de l’obésité et du diabète. Selon le Pr Rebours, de nombreuses études pointent aussi l’exposition à une alimentation ultratransformée, en augmentation depuis les années 1980. « Des analyses des ongles des patients montrent (également) une surexposition des patients atteints de cancer du pancréas à des pesticides et des polluants de l’air », ajoute-t-elle.
À noter que si le tabagisme compte parmi les facteurs de risque de cancer du pancréas – 30 % des patients touchés s’avérant fumeurs –, la cigarette ne semble pas impliquée outre mesure dans l’évolution actuelle de l’incidence du cancer. Car le tabagisme a plutôt tendance à reculer, souligne le Pr Rebours.
En outre, la spécialiste du pancréas bat en brèche l’idée d’un biais induit par une potentielle évolution des pratiques de repérage du cancer. Car le dépistage et le diagnostic ont en réalité peu progressé.
Un repérage restreint et très imparfait
De fait, le dépistage s’adresse potentiellement à l’heure actuelle à un très faible nombre de patients. Plus précisément, sont uniquement concernés les sujets atteints de pancréatite chronique génétique ou présentant des antécédents familiaux de cancer du pancréas, seuls identifiés comme présentant un surrisque de cancer du pancréas supérieur à 5 %, détaille le Pr Rebours. Et même ces publics très restreints n’apparaissent pas toujours bien décrits. Par exemple, « aucun gène de prédisposition (n’a vraiment été mis en évidence dans les formes familiales », regrette le Dr Louis de Mestier, du service de pancréatologie et d’oncologie digestive de l’hôpital Beaujon (AP-HP).
En outre, le repérage reste en lui-même très imparfait, déplore le Pr Rebours, basé sur une imagerie annuelle, avec IRM et écho-endoscopie sous anesthésie générale – invasive. « Un modèle qui n’a pas encore fait ses preuves d’un point de vue médicoéconomique, avec encore malheureusement des cancers d’intervalle », pointe le Pr Rebours. D’où un besoin notamment de marqueurs biologiques spécifiques, qui continuent de faire défaut. Pour le Pr Louis de Mestier, une piste se dégage toutefois en la matière : l’ADN tumoral circulant.
Comme le souligne le Pr Rebours, au-delà de l’élévation bien réelle de l’incidence du cancer du pancréas, le problème est que la prise en charge de la pathologie « n’a pas bénéficié des progrès de la médecine ». « Alors que la mortalité liée aux autres cancers a diminué notamment grâce à l’immunothérapie, ce n’est pas du tout le cas pour le cancer du pancréas. »
Contrairement à d’autres cancers, des thérapies ciblées ne peuvent être utilisées que dans une minorité de cas, faute de cibles bien identifiées dans la plupart des tumeurs. Pour que des traitements pharmacologiques puissent être développés, reste à mieux décrire les mécanismes sous-jacents à la maladie – qui semblent particulièrement complexes, souligne le Pr de Mestier.
Peu de patients opérables
Une difficulté supplémentaire pour le traitement concerne les faibles performances des traitements locaux, à l’instar de la chirurgie. Celle-ci reste en effet « difficile ». De plus, seuls 20 % des patients sont considérés comme « opérables ou borderline » - c’est-à-dire éventuellement opérable avec une préparation par chimiothérapie, estime le Pr Alain Sauvanet, chirurgien viscéral et digestif à l’hôpital Beaujon (AP-HP). Au contraire, 50 % des patients présenteraient déjà des métastases au moment du diagnostic, et 30 % un cancer localement avancé excluant la chirurgie.
Même sur des cancers diagnostiqués à des stades précoces, la chirurgie peut s’avérer insuffisante. Car le cancer du pancréas est de plus en plus considéré comme une maladie systémique. « Même à des stades précoces, des cellules (tumorales) peuvent diffuser dans la circulation », souligne le Pr Rebours. « On a changé de paradigme (…) avec une maladie qu’on considère d’emblée avancée, même une petite tumeur pancréatique pouvant se révéler avancée avec des métastases microscopiques », insiste le Pr Sauvanet.
La France en retard ?
Lors de la conférence de presse ont aussi été évoqués des obstacles à l’amélioration de la prise en charge spécifiques au système de santé français. À commencer par la persistance d’une prise en charge dans des centres insuffisamment spécialisés. Or, comme le souligne l’Académie, « en chirurgie, on ne fait bien que ce que l’on fait tous les jours ».
En outre, un problème d’accessibilité à des thérapies ciblées qui émergent à l’étranger se pose. En effet, alors que quelques patients s’avèrent éligibles à ces nouveaux traitements, ceux-ci apparaissent indisponibles dans l’Hexagone, faute de remboursement et d’accord avec les laboratoires.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce