LE QUOTIDIEN : Quels sont les leviers d’une communication efficace sur les perturbateurs endocriniens (PE) ?
NATHALIE BONVALLOT : Le sujet des PE est à la fois complexe et anxiogène, parce que les expositions sont nombreuses, qu’elles vont concerner des populations sensibles (par exemple femmes enceintes et fœtus) et que les maladies incriminées sont différées dans le temps.
Bien que nous ne puissions pas établir avec précisions les liens de cause à effet entre les expositions et les maladies du fait de leur caractère multifactoriel, les PE sont aujourd’hui reconnus comme des facteurs de risque à prendre en compte lorsque l’on s’intéresse aux anomalies de la fonction reproductive (endométriose, altération du sperme, infertilité, trouble de la puberté, prématurité, cryptorchidies…), aux cancers hormonodépendants (sein, prostate, thyroïde, testicules), aux maladies thyroïdiennes, métaboliques (diabète, obésité), à l’asthme ou encore aux troubles du neurodéveloppement (retard de langage, trouble avec déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité).
Accompagner le patient dans les changements qu’il peut lui-même mettre en œuvre
Comment le professionnel de santé peut-il en parler avec ses patients ?
La connaissance des PE et des risques liés aux expositions aux substances chimiques est une première étape dans la démarche, car elle permet à la fois de cerner les enjeux et de hiérarchiser les problématiques. Injonctions restrictives ou incitatives sont souvent inutiles, alors qu’accompagner le patient dans les changements qu’il peut lui-même mettre en œuvre en lui offrant des outils adaptés peut se révéler utile : il existe aujourd’hui des messages simples sur différentes thématiques comme le tabac, l’alimentation, les cosmétiques, l’environnement intérieur…
Quels conseils pour l’alimentation ?
Les principaux problèmes, ce sont les additifs, les molécules qui migrent des emballages ou encore les pesticides. Les recommandations nutritionnelles actuelles tiennent compte à la fois des bienfaits nutritionnels adaptés aux âges de la vie et de la présence des contaminants. On peut recommander de manger bio (car peu de pesticides autorisés) mais avant tout, on a en tête que le risque lié aux expositions aux pesticides est contrebalancé par les bénéfices des apports nutritionnels.
En fonction des situations de vie, il paraîtra préférable d’axer le conseil sur le renforcement de la consommation régulière de fruits et légumes et de fibres, même s’ils sont issus de l’agriculture conventionnelle, en les rinçant et les épluchant, car ils contiennent nutriments, vitamines, minéraux et fibres essentielles au fonctionnement de l’organisme. On peut par ailleurs conseiller de réchauffer ou stocker ses aliments dans des contenants exempts de plastique (verre, inox).
Et pour l’environnement intérieur ?
Certains gestes simples peuvent être mis en avant, sans surcoût complémentaire : réduire le nombre de produits chimiques à la maison, choisir les produits ménagers essentiels et labellisés, prendre les précautions lors de l’usage d’insecticides, de parfums d’intérieur, sélectionner ses cosmétiques, ou encore aérer son logement tous les jours 15 minutes.
Quelles sont les populations plus vulnérables à cibler ?
Nous avons déjà évoqué la femme enceinte, l’enfant in utero, le nouveau-né, le jeune enfant jusqu’à ses 2 ans (période des 1 000 jours). L’enfance et l’adolescence sont aussi des périodes de grande vulnérabilité.
Mais les PE peuvent également agir en période de préconception et de conception, chez l’homme (baisse du nombre ou de la qualité des spermatozoïdes), comme chez la femme. Tout le monde est concerné !
Les professionnels qui suivent les couples en désir de grossesse, ou ceux qui ont du mal à concevoir (grossesse tardant à venir ou échec des protocoles d’assistance médicale à la procréation [AMP]) ne font pas forcément le lien entre la fertilité et la présence des polluants par ingestion, inhalation ou passage cutané. Pour autant, des changements simples optimisent les chances de grossesse en évitant parfois le recours à l’AMP. L’exemple bien caractérisé est le tabac, un réservoir de PE : le sevrage favorise la conception naturelle.
Le dosage des polluants serait coûteux et de toute façon indisponible en routine. Un centre d’AMP de Lyon a mis au point un questionnaire qui explore l’exposition alimentaire (contenu, contenant), aux cosmétiques, produits d’hygiène et de nettoyage, parfums, insecticides. L’établissement d’un score ouvre la démarche de sensibilisation et des conseils simples et ciblés sont donnés.
Des questionnaires harmonisés sont utilisés aussi lors des consultations des plateformes Prévenir (Bordeaux, Marseille, Rennes, Paris et Créteil) pour les couples ayant des difficultés à concevoir. Les orienter vers ce réseau les fera bénéficier d’un accompagnement individualisé.
Enfin, le conseil peut prendre la forme d’une orientation vers des ressources en ligne référentes et validées telles que le site « 1 000 premiers jours » de Santé publique France.
Le livre « Perturbateurs endocriniens, vers une meilleure prévention des expositions », (mars 2024, presses de l'EHESP) coordonné par Nathalie Bonvallot, est structuré en 19 fiches pratiques.
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