Si l’heure est globalement à la sédentarité, certains hommes semblent au contraire se lancer dans de nouveaux sports plutôt exigeants. Un engouement dont les risques potentiels interrogent.
Selon le cardiologue du sport et expert en physiologie de l’effort (CHU Grenoble-Alpes) Stéphane Doutreleau, après deux ans de restrictions, le monde du sport – ou du moins des sports majoritairement masculins – est marqué par l’émergence d’un désir inédit de liberté, « de s’affranchir des contraintes liées aux fédérations, aux équipements, etc. ». Une aspiration dont témoignent deux grandes tendances.
Des sports de moins en moins balisés
La première concerne la diffusion des sports de rue – « comme le basket 3x3, la musculation réalisée dans les jardins et les parcs, etc. », précise le Dr Doutreleau –, voire l’apparition de nouvelles disciplines urbaines, à l’instar du street golf. Plus généralement, nombre de sports se démocratisent et sortent de leur cadre habituel. Parallèlement, les disciplines d’endurance connaissent un regain d’intérêt. Les sportifs « plébiscitent par ailleurs de moins en moins la course sur route, préférant la course en montagne, par exemple ». D’où un essor du trail, du ski de randonnée, etc.
Or cette sortie des sentiers battus peut poser problème. D’abord car un encadrement insuffisant peut s’avérer délétère aux plans cardiovasculaire et ostéoarticulaire. De plus, l’environnement extérieur, qui plus est naturel, apporte aussi son lot de dangers. Notamment en cas de températures extrêmes ou de haute altitude. D’ailleurs, selon Santé publique France, parmi les quelques centaines de décès traumatiques liés aux sports, plus de 35 % seraient associés à un sport de montagne, en particulier à la randonnée.
Autre source potentielle d’inquiétude : le développement d’une culture de l’ultra-endurance. « On constate un engouement pour des distances de plus en plus longues, voire des dénivelés de plus en plus importants », avec « une volonté de passer pour un surhomme », rapporte Stéphane Doutreleau. Selon le cardiologue, les pratiques « d’ultra » à proprement parler (course d’ultra-fond, ultra-trail, triathlon Ironman, etc.) – qui désignent des courses de plus de 42,195 km – concernent toutefois surtout des hommes trentenaires à quadragénaires déjà sportifs.
En revanche, de plus en plus d’hommes « tout-venant » au passé sportif plus lointain se lancent aujourd’hui le défi de courir un marathon. Avec souvent un manque de préparation significatif, comme le relève le Pr François Carré, cardiologue et médecin du sport (Rennes). « En témoignent les 40 à 45 % d’abandon enregistrés dans la plupart des marathons. »
Un manque de préparation aux épreuves d’endurance
Ce sous-entraînement peut être synonyme de risques cardiovasculaires. D’autant que les hommes concernés présentent souvent des facteurs de risque. Cependant, comme le souligne le Pr Carré, les accidents cardiovasculaires graves restent rares. « Les arrêts cardiorespiratoires ne concernent, chez les 40-45 ans, qu’1 à 1,5 coureur pour 100 000 (…) et les progrès du secourisme et de la médecine d’urgence sont tels que le taux de survie est d’environ 50 % », affirme-t-il. Au total, le risque cardiovasculaire serait surtout élevé, selon le cardiologue, pour les plus de 60 ans amateurs de compétition.
En fait, alors qu’un des principaux enjeux de santé publique concerne la lutte contre le manque d’activité physique, le défaut de préparation risquerait surtout d’accentuer un certain dégoût du sport. D’abord chez les hommes directement concernés, potentiellement exposés pendant la course « à d’importantes douleurs musculaires et articulaires, en particulier en cas de surpoids, ainsi qu’à des troubles digestifs – provoqués par une hypoperfusion du tube digestif liée à l’effort », détaille le Pr Carré. Mais aussi chez les autres, déjà réfractaires à l’activité physique et qui peuvent être marqués par des images de sportifs en difficulté.
Dans ce contexte, le rôle du médecin ne serait finalement pas de décourager toutes ces nouvelles initiatives mais de mieux éduquer la population au sport et aux symptômes qui doivent alerter. Car « les accidents cardiovasculaires qui surviennent pendant le sport concernent surtout des hommes entre 40 et 50 ans, qui ne manquent pas forcément d’encadrement médical mais qui négligent leurs symptômes », souligne le Dr Doutreleau.
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