Huit mois après que l’Académie nationale de médecine a recommandé de prescrire de la vitamine D aux personnes atteintes de Covid-19, 73 experts appellent à supplémenter l’ensemble de la population française – « et pas uniquement les personnes âgées ou à risque de forme grave », précise la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) dans un communiqué paru hier matin.
Cosignataires d’un article de consensus paru il y a dix jours dans la Revue du Praticien et issu de 6 sociétés savantes comme la SFGG, la Société française de pédiatrie, la Société française d’endocrinologie, etc., ces experts insistent sur l’intérêt d’assurer à tous les patients, quel que soit leur état de santé et leur âge, un statut en vitamine D satisfaisant. Et ce en particulier dans le contexte épidémique actuel. « Un nombre croissant d’études scientifiques montrent que la supplémentation en vitamine D […] pourrait contribuer à réduire l’infection par le SARS-CoV-2 ainsi que le risque de formes graves de COVID-19, de passages en réanimation et de décès », explique la SFGG.
Une supplémentation recommandée devant deux types de situation
Les 6 sociétés savantes recommandent plus précisément de prescrire de la vitamine D dans deux types de situation.
Elles incitent en effet d’abord à « promouvoir à grande échelle la supplémentation en vitamine D » avant toute infection par le SARS-CoV-2, résume la SFGG. L’objectif : « faire en sorte que le moins de personnes possible aient une hypovitaminose D ». En pratique, il s’agit de suivre les recommandations internationales habituelles : supplémenter les sujets à risque d’hypovitaminose D tout au long de l’année, et le reste de la population pendant l’hiver.
Mais ils appellent également à prescrire de fortes doses de vitamine D dans des cas d’infection avérée par le SARs-CoV-2, « et ce dès le diagnostic […] et sans attendre le résultat du dosage de la vitamine D », souligne la SFGG. Cette démarche viserait alors à obtenir rapidement un statut normal en vitamine D.
La supplémentation en vitamine D ne peut toutefois évidemment pas « être considérée comme une arme de même niveau que la vaccination ou les gestes barrière », prévient la Société française de Gériatrie et de Gérontologie. « Les portes de sortie de l’épidémie sont bien la vaccination et les gestes barrière », insiste Cédric Annweiler, Professeur de gériatrie au CHU d’Angers et signataire de l’article de la Revue du Praticien, qui propose plutôt de considérer la supplémentation en vitamine D comme un « adjuvant » dans la lutte contre le Covid-19.
D’autres recommandations parfois contradictoires
En France, bien qu’elle considère aussi que la vitamine D ne peut pas être utilisée comme « traitement curatif ou préventif de l’infection due à SARS-CoV-2 », l’Académie de médecine s’était déjà prononcée dès le mois de mai en faveur d’un dosage rapide du taux de vitamine D sérique chez les personnes de plus de 60 ans atteintes du Covid-19, et ce afin « d’administrer, en cas de carence, une dose de charge de 50 000 à 100 000 UI qui pourrait contribuer à limiter les complications respiratoires ». De même, chez les sujets plus jeunes, l’Académie préconise « d’apporter une supplémentation en vitamine D de 800 à 1 000 UI/jour ».
Au contraire, le 15 décembre dernier, la revue Prescrire rappelait que la vitamine D devait continuer à être réservée au traitement préventif ou curatif des troubles osseux en particulier chez la personne âgée et certains enfants. « La vitamine D expose à des effets indésirables, en particulier en cas de surdose, notamment des hypercalcémies avec leurs complications (lithiases rénales, insuffisances rénales, etc.) », estime la revue. D’après la SFGG, la supplémentation en vitamine D ne présenterait cependant, à posologie habituelle prescrite par le médecin traitant, « aucun risque particulier ». « Les intoxications sont excessivement rares, et généralement liées à des prises considérables en automédication », plaide-t-elle.
Pas encore de preuves solides mais une présomption scientifique forte
Mais surtout, l’état de l’art serait, d’après Prescrire, caractérisé par une « absence de données cliniques comparatives de niveau de preuves suffisant » sur l’effet d’une supplémentation en vitamine D en prévention ou traitement d’une infection par SARS-CoV-2.
Un point de vue partagé par le Journal of the American Medical Association (JAMA). D’après un article paru le 6 janvier dans la revue scientifique, il serait en effet « impossible de conclure quant à un lien entre taux sanguins de vitamine D et diverses maladies dont les infections en raison de preuves contradictoires ou insuffisantes ». D’après le Pr Annweiler, cette publication consisterait toutefois plus en une prise de position qu’en une véritable revue de la littérature. Par ailleurs, s’il n’y aurait en effet pas pour le moment de réelle preuve scientifique d’une association entre taux sanguins de vitamine D et Covid-19, les données seraient en train de s’accumuler – en France, un vaste essai clinique baptisé CoVitTrial, de haut niveau de preuve, qui a obtenu le label priorité nationale de recherche, est ainsi en cours dans 10 centres français coordonnés par le CHU d’Angers –, fournissant « une présomption scientifique forte » de l’intérêt de la supplémentation dans la prise en charge du Covid-19, juge le gériatre.
Quoi qu’il en soit, « l’hiver est là, donc même en dehors du contexte épidémique, on devrait s’assurer que chacun présente un statut normal en vitamine D », souligne Cédric Annweiler. Dans un contexte où, d’après Santé Publique France, 40 à 50 % de la population française présente une hypovitaminose D, le professeur de gériatrie propose d’ailleurs de considérer les préconisations de supplémentation comme un « rappel de bonnes pratiques ».
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