Initialement inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2014 – puis finalement supprimée six ans plus tard –, la possibilité pour le pharmacien de substituer des médicaments biologiques avait fait un retour discret via la loi Sécu pour 2022.
Le 12 avril, un arrêté publié au « Journal officiel » fixe les deux premières biomolécules substituables par le pharmacien. Après avoir « informé le prescripteur et le patient », les officinaux pourront ainsi remplacer deux molécules : le pegfilgrastim (Neulasta) et le filgrastim (Neupogen), utilisés dans la prise en charge des neutropénies. Le médecin pourra toutefois exclure cette substitution, « par une mention expresse et justifiée portée sur l'ordonnance, tenant à la situation médicale du patient », précise l’arrêté.
Surprise
Après des mois d'attente et de concertation, la révélation du nom de ces deux molécules a créé la surprise chez les pharmaciens et les industriels.
Car jusqu'alors, deux molécules avaient certes été évoquées lors des échanges avec les pouvoirs publics, mais pas exactement celles-ci… La substitution en officine devait certes cibler le pegfilgrastim mais aussi la somatropine, dont l'arrêté fait l'impasse. « On ne s’attendait pas à ces deux molécules, nous attendions surtout la somatropine, c’est dommage ! », confie au « Quotidien » Pierre-Olivier Variot, président de l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (Uspo), qui espérait également que le Lovenox (énoxaparine) fasse partie de cette première liste.
Le président de l’Uspo regrette que la liste des médicaments biologiques substituables par le pharmacien ne colle pas avec celle inscrite dans le mécanisme incitatif de l’avenant 9 à destination des médecins (étanercept, adalimumab, follitropine alpha, énoxaparine, insuline asparte). « Les médecins ont leur liste, les pharmaciens ont leur liste… Il y a une volonté des pouvoirs publics de nous opposer », souffle Pierre-Olivier Variot. Malgré le feu vert donné par l’arrêté, les officinaux ne devraient pas, dès aujourd’hui, commencer à substituer, assure le président de l’Uspo. « Nous attendons encore l’arrêté qui égalise nos marges entre biosimilaire et médicament biologique », précise-t-il.
« Aucun intérêt »
Proche des laboratoires pharmaceutiques, le think tank Biosimilaires a vivement réagi à la publication de l’arrêté. Regroupant des associations de patients et des industriels du biosimilaire, ce groupe de réflexion s’est dit « surpris » du texte, « publié en dehors du cadre de la concertation mise en place en 2021 par les pouvoirs publics ». Médecins, pharmaciens, patients ou labos : « toutes les parties prenantes n’ont pas été consultées » et « le filgrastim n’avait pas été évoqué », regrette le think tank.
Le groupe déplore que le gouvernement ait choisi deux molécules déjà « très largement substituées ». Ainsi, le taux de pénétration des biosimilaires du filgrastim avoisine les 95 %, celui du pegfilgrastim les 75 %, contre 40 % pour la somatropine ! Or, l’étude d’impact réalisée en amont du PLFSS 2022 dressait l'objectif de « cibler les biosimilaires pour lesquels le taux de pénétration est a minima 10 points sous la cible des 80 % », rappelle le think tank. Bref, « rendre substituable le filgrastim et le pegfilgrastim n’a donc aucun intérêt du point de vue des dépenses d’Assurance-maladie », tacle encore le groupe de réflexion. Vendu 706 euros la seringue, le Neulasta – médicament biologique de référence – est 23 % plus cher que son biosimilaire Cegphila, ou Pelgraz.
Une étape décisive
Pour le Gemme, qui représente les industriels du générique, la publication de l’arrêté est au contraire une « étape décisive et très attendue ». Le lobby du générique salue « la volonté du gouvernement, qui avait annoncé une mise en œuvre de la substitution officinale des biosimilaires progressive mais rapidement effective » et espère continuer sur cette « dynamique ». Pierre-Olivier Variot (Uspo) espère lui aussi que de nouvelles molécules seront incluses rapidement dans la liste.
Le Gemme se félicite de la publication, le même jour, d’un autre arrêté permettant au pharmacien de substituer des médicaments hybrides. Désormais, les médicaments pour les maladies obstructives des voies respiratoires – notamment les adrénergiques pour inhalation – pourront être interchangés au comptoir.
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