DES RUES PROPRETTES, un restaurant design, un square parsemé de jonquilles, des maisonnettes lumineuses ... À priori, le quartier de Hogewey (à Weesp, sud-est d’Amsterdam) ressemble à s’y méprendre à ces villages design et écologiques qui fleurissent un peu partout aux Pays-Bas. Seule différence, ces habitants sont exclusivement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Ce village qui a été ouvert par un organisme mutualiste en janvier 2009 compte 23 maisonnettes dans lesquelles vivent chacune 6 personnes atteintes d’Alzheimer. Les pensionnaires qui ont chacun leurs chambres individuelles partagent le salon, la cuisine et la salle de bain.
Une auxiliaire de vie est présente par maison et accompagne les locataires du lever au dîner. Un concept unique au monde qui font de Hogewey et des Pays-Bas un véritable laboratoire. La clé de voûte de cette création urbaine, pratique et humaine s’appuie sur la socialisation des malades. « Nous n’avons pas voulu entasser et cloîtrer les malades dans de simples chambres mais les inciter à échanger tout au long de la journée, en recréant une vie de maison de village », explique Isabelle van Zutphen, chef de village.
Baisse de la consommation de tranquillisants.
Vivium, l’organisme mutualiste spécialisé dans les services de santé aux personnes âgées, est fier des résultats obtenus. « Nous avons constaté que la maladie qui normalement ne connaît pas de rémissions se stabilisait lorsque les personnes pouvaient parler toute la journée avec des congénaires et conserver les repères d’une vie normale », constate le Dr Mahbooba Menapol, l’une des gériatres.
Pour autant, les maisons ne sont pas médicalisées, quatre médecins sillonnent toute la journée Hogewey et surveille la santé de ses locataires. S’ils disposent d’un cabinet médical de base, ils consacrent surtout leur temps à visiter une fois par semaine chaque patient individuellement. « Ceci permet de vérifier l`évolution de la maladie mais aussi de faire un check-up. Beaucoup souffrent en effet de problèmes cardio-respiratoires, de diabète de type 2 quand ils ne font pas des chutes », poursuit le gériatre. Un travail toujours astreignant pour ces médecins salariés de Vivium qui enchaînent 25 visites par jours et qui supervisent les dossiers de 50 à 70 résidants (pour un salaire mensuel brut de 4 500 euros).
Afin que les pensionnaires conserve le moral, Vivium ne s’est pas contenté des services de base de ce type d’établissement mais s’est montré psychologue, voire même sociologue. L’organisme a voulu créé une ambiance particulière à chaque maison et respecter la diversité de la société néerlandaise. Depuis les années 1930, il est en effet de tradition aux Pays-Bas de valoriser les différences religieuses, ethniques et culturelles des citoyens afin, en échange, d’augmenter leur sentiment d’appartenance. Sept « socio-styles » ont ainsi été définis par un cabinet conseil (« authentique », « Indonésie » - s’adressant aux personnes ayant vécu dans les anciennes Indes Néerlandaises -, « urbains », « croyants », « élégant », « cosy » ou encore « artiste »). Comme dans la vraie vie, chaque maison « socio-stylée » possède sa décoration et son ambiance propre.
Décoration et socio-styles.
Design, campagnard ou bourgeois, à chacun son mobilier et son papier peint. Objectif : permettre aux pensionnaires de sentir encore plus chez eux en réunissant ceux qui partagent les mêmes modes de vie. Un choix inimaginable en France, où l’on aurait pu craindre un dérapage communautariste. « Chacun choisit en toute liberté la maison qui lui convient, prévient Isabelle van Zutphem. Ce petit marquage culturel donne un sentiment de confiance et atténue la tristesse ou de peur. Enfin, ce clin d’œil aux affinités des pensionnaires permet de stimuler la mémoire de la vie passée. »
La convivialité ne tient pas seulement à la décoration ou à la complicité mais aussi aux activités. Les habitants sont même incités à participer aux tâches quotidiennes. Le village ne fait pas appel à un fournisseur de repas et ne comprend pas non plus de cantine. Chaque villa dispose d’une cuisine. « Nous faisons les courses ensembles, nous cuisinons ensemble et j’invite les pensionnaires à mettre la table à débarrasser », témoigne Petra van Eijl, une auxiliaire de vie, très dévouée qui supervise la maison « cosy » décorée de bibelots, de nappes à carreau et de meubles en chaînes.
Côté sécurité, la nuit, les portes des 23 villas sont fermées. Les couloirs et salles communes sont équipés de détecteur des mouvements qui permettent de repérer si un pensionnaire chute ou erre dans le couloir. Les habitants ne peuvent s’égarer puisque le village - à l’image d’un grand patio - est en réalité fermé grâce à un sas sécurisé. En revanche, dans l’enceinte du village, ce qui frappe surtout, c’est la grande liberté de mouvement accordée aux pensionnaires qui peuvent se déplacer sans entrave dans des rues piétonnes.
« Naturellement, nous devons parfois récupérer des habitants qui ne retrouvent plus leur villa mais le fait de pouvoir aller librement chez le coiffeur, au restaurant, faire ses courses ou se promener les rend plus actifs et moins agressif », illustre Petra van Eijk.
Le village se veut d’ailleurs un lieu ouvert sur l’extérieur. Comme souvent dans les oeuvres sociales et médicales néerlandaises, les bénévoles - 140 uniquement à Hogewey - sont nombreux à s’investir dans les tâches auxiliaires (petits travaux, jardinage, courses). Enfin, le village ouvre régulièrement ses portes aux artistes, musiciens qui proposent des spectacles, des ateliers ou des concerts.
Liste d’attente d’un an.
Côté financement, Hogewey aura quand même coûté la somme de 19,2 millions d’euros, dont 17,8 financés par l’équivalent de notre assurance maladie. Les 500 000 euros restants ont été réglés par une vingtaine de sponsors. Chaque jour, Vivium reçoit de l’assurance maladie 170 euros par pensionnaire. Au vu des infrastructures confortables et bien pensées, on pourrait croire qu’il s’agit d’un complexe réservé aux retraités aisés. Il n’en est rien puisque les frais de séjours sont calculés proportionnellement aux montant des retraites des pensionnaires. Un système typique des Pays-Bas où l’on tente souvent d’associer innovation et équité. D’ailleurs, depuis plusieurs mois, journalistes, mutuelles, gériatres défilent s’inspirer de cette bonne pratique tout droit issue du laboratoire sociétal néerlandais.
Si Vivium ne projette pas dans l’immédiat la construction d’un deuxième village, le succès est au rendez-vous avec un taux de satisfaction de 9,1/10 (parmi les pensionnaires sondés). Résultat : il faut attendre environ un an avant de pouvoir emménager dans le village Alzheimer.
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