Coopérations médicales franco-iraniennes

Une timide reprise de contacts

Publié le 25/02/2014
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Crédit photo : DR

De notre envoyée spéciale Delphine Chardon

Diabète, ambulance, infarctus, vitamine, hépatite... Les livres médicaux iraniens regorgent de mots français. Mais depuis la seconde guerre mondiale, les référentiels américains se sont imposés en Iran. L’influence de la médecine française ne repose plus que sur une poignée de médecins âgés, formés en France, nostalgiques d’une époque révolue. Et qui tentent péniblement de réanimer les réseaux endormis.

Ce jeudi matin, une soixantaine d’orthopédistes débattent d’un article paru dans « The Spine Journal », à l’hôpital Shariati, l’un des plus grands hôpitaux universitaires d’Iran. Les slides défilent en anglais, leur seconde langue à tous. Le Pr Javad Mortazavi pose une question sur la prophylaxie. Formé aux États-Unis, membre de l’« American association of hip and knee surgery », ce chirurgien incarne la nouvelle génération. Portable sur les genoux, le « JAMA » à portée de clic, l’Amérique pour modèle.

Francophone et francophile, le Pr Issa Navab nage à contre-courant. Il voudrait relancer la francophonie médicale en Iran. « Jusqu’en 2002, j’envoyais mes étudiants à Paris. C’est fini. Si la France ne fait pas d’effort, elle sera oubliée ». Le Pr Mohammad Reza Guity opine du chef. Formé à Toulouse, il a été le premier à lancer l’arthroscopie de l’épaule en Iran. Et il trouve les liens avec la France difficiles à entretenir.

Ali, 37 ans, prometteur chirurgien de la main, a essuyé un refus de visa cet automne. Sa déception fut grande : « J’avais trouvé un stage à Paris et acheté mon billet d’avion. C’est incompréhensible. Le Canada offre un bien meilleur accueil aux médecins étrangers ». Amir Reza, son ami, redoute la même mésaventure : « Je ne fais pourtant pas de politique. Si c’est trop compliqué, je ciblerai un autre pays ».

Redorer l’image du pays

Ce responsable d’une université médicale à Téhéran reçoit autour d’un thé fumant. Portrait de Khamenei au mur, drapeau iranien sur le bureau. « L’Iran veut s’ouvrir, dit-il. C’est le vœu du président Rohani de renforcer les relations internationales, pour mettre un terme à l’iranophobie ». Les bourses financées par Total se sont évaporées du jour au lendemain. L’ambassade de France tente de relancer la dynamique, avec l’appui de l’association pour la coopération médico-scientifique franco-iranienne.

Son président, le Dr Farhad Heshmati, hématologue à Cochin, a plusieurs projets en tête. Un séminaire de présentation du système de santé français, une mission axée sur la médecine d’urgence et de catastrophe, une conférence à Téhéran avec un prix Nobel français de médecine. « La France cherche à vendre son système de santé. Il faut saisir l’occasion ». Une convention universitaire serait à l’étude pour faciliter les échanges.

Malgré l’affaire Clotilde Reiss (une étudiante française qui fut emprisonnée quelques semaines à Téhéran à l’été 2009), qui a freiné l’envoi de scientifiques français en Iran, des chirurgiens ont continué de venir opérer. Très active, la chaîne de l’espoir reçoit une dizaine de missions françaises par an. Médecins sans frontières soigne des prostituées toxicomanes au sud de Téhéran, avec le soutien français.

En décembre, signe d’une timide reprise, Cochin et Necker ont accueilli quatre stagiaires iraniens, deux médecins et deux infirmières. L’AP-HP songe à institutionnaliser ses coopérations avec l’Iran. Sous réserve du dégel. L’institut Curie, avec la même prudence, envisage des ponts en sénologie. Un médecin de Mashhad viendra en observation en mars. Il découvrira les réunions multidisciplinaires, la chirurgie oncologique et plastique intégrée. « Les Iraniens veulent aussi progresser sur l’information donnée aux patientes avant une ablation du sein », relate le Dr Séverine Alran, oncologue à Curie.

Demain s’ouvre un congrès cardiovasculaire à Téhéran. Sur les vingt médecins étrangers invités, six sont français. Ce chirurgien iranien se prend à rêver : « Un jour, nous organiserons des congrès francophones en Iran ».

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Source : Le Quotidien du Médecin: 9304