Syndicats de salariés : l’accès aux soins d’abord
Formellement, les négociations ne pouvaient pas débuter avant que le conseil de l’UNCAM, qui représente les partenaires sociaux, n’ait donné ses orientations. Lequel a un peu traîné des pieds. Le vote a eu lieu la veille de l’ouverture des négociations. Le Conseil souhaite voir « les partenaires convenir d’améliorations sensibles » dans l’accès aux soins, « notamment autour de mesures visant à influer directement ou indirectement sur les choix d’installation », la qualité des soins « en demandant que soient promus le respect des référentiels, l’efficience de la prescription, les délégations de tâches en ambulatoire et l’articulation ville-hôpital », la prévention, la simplification des relations entre les caisses et les professionnels. Voici pour les formulations consensuelles. Mais « c’est dans un contexte difficile que s’engage cette négociation avec les médecins, constate pour sa part la CFDT. Plus que jamais la question de l’organisation du système et l’accès aux soins est au cœur des préoccupations de nos concitoyens que ce soit pour des raisons financières ou liées à l’inégale répartition des professionnels sur le territoire ». Les autres syndicats se sont peu exprimés sur la médecine libérale. Cependant, il est à noter que lors de la dernière manifestation pour la politique de santé du gouvernement le 2 avril lancée par la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux à laquelle ont participé les syndicats de
salariés, on a entendu pour la première fois à côté des mots d’ordre contre « les restructurations hospitalières » et les « déremboursements » des slogans sur la « désertification médicale » et les « dépassements d’honoraires en ville ».
Collectifs de patients : une revendication de régulation
« C’est notre grand regret de ne pas pouvoir siéger au Conseil de l’UNCAM », explique Magali Léo, chargée de mission Assurance-maladie au CISS. Le collectif d’associations de patients a pourtant des idées très précises sur la négociation conventionnelle. En matière de démographie, « la portée des mesures incitatives est très limitée », note Magali Léo qui rappelle que, dans les sondages effectués par le CISS, « la population est largement favorable à la régulation ». Le CISS plaide pour un conventionnement sélectif, c’est-à-dire au moins limiter les nouvelles installations dans les zones déjà denses. L’autre point de la négociation où les patients ont beaucoup d’attentes, c’est les dépassements d’honoraires. Le secteur optionnel ? Pourquoi pas, même s’il pose encore beaucoup de questions. « Aucune étude d’impact n’a été faite et on ne voit pas encore comment les praticiens du secteur 2 pourront trouver le secteur optionnel attractif, note Magali Léo. Et, surtout, cela ne résout pas le problème des dépassements des spécialités cliniques en ville. » Mais le CISS s’intéresse aussi aux modes de rémunération des médecins et semble partant pour l’essor massif des forfaits voire de la capitation. « Le paiement à l’acte est de plus en plus désuet et inadapté, surtout pour les malades chroniques », ajoute Magali Léo. Et, en matière de qualité des soins, elle estime qu’il y a « des écarts de pratique qui ne se justifient pas. Sans vouloir tout uniformiser, on peut demander plus d’application des référentiels ».
Complémentaires : un pied dedans
Depuis2009,les complémentaires ont aussi leur mot à dire dans les négociations et, dès lors que sa part est majoritaire dans le financement, l’UNOCAM est obligée d’y prendre part. Aujourd’hui, elle n’a, en fait, à signer que sur le secteur optionnel qu’elle souhaite toujours « essayer de faire vivre ». Pour autant, elle entend s’exprimer sur la plupart des sujets qui sont sur la table. « La question du forfait nous intéresse particulièrement, explique Fabrice Henry, président de l’UNOCAM. Doit-on y participer financièrement ? Mais à ce moment-là, nous souhaitons participer à la discussion.?» Les complémentaires ne sont pas non plus fermées à l’évolution des contenus des consultations souhaitée par tous les syndicats de médecins. « Nous sommes sensibles à tout ce qui peut être logique, poursuit Fabrice Henry. L’idée d’une consultation longue est à étudier. » En matière de démographie, l’UNOCAM estime que la réponse ne se résume pas à l’incitation financière. « Il faut éviter la coercition, juge Fabrice Henry. Commençons par réfléchir aux moyens de faciliter l’exercice en zones déficitaires en tenant compte de la féminisation. »
Élus nationaux : 2012 en ligne de mire
L’examen de la proposition de loi Fourcade s’est poursuivi cette semaine. Censée arrondir les angles entre le gouvernement et les médecins libéraux, elle a aussi ravivé les frustrations des parlementaires. Parmi les élus en pointe sur la médecine de ville, on peut citer le député socialiste de la Nièvre, Christian Paul, car c’est aussi l’un des inspirateurs du programme de son parti pour 2012. Après avoir échoué à imposer à l’Etat de « prévoir une présence territoriale du service public de la santé » via la proposition de loi socialiste sur le « bouclier rural?», le député est revenu à la charge pendant le débat sur le « bilan » de loi HPST, dont il a été le rapporteur. « Le premier échec de la mise en œuvre de la loi HPST concerne les inégalités des Français devant l’accès à une offre de soins de qualité, a dénoncé Christian Paul. La répartition très inégale des médecins s’aggrave et la situation dans les territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux, n’a pas bougé d’un iota. » La nouveauté est que ce constat est de plus en plus partagé dans l’hémicycle à commencer par le Nouveau Centre mais aussi jusque parfois dans les rangs de l’UMP. La commission « santé » du Parti socialiste est en train d’affiner le programme. Les résultats de la négociation conventionnelle seront évidemment scrutés avec intérêt notamment pour décider où placer le curseur de la régulation, ce qui n’est pas encore clair.
Élus locaux : un lobby influent
La désertification médicale est un sujet qui préoccupe de plus en plus d’élus locaux au point que la très influente Association des maires de France lui a consacré un après-midi de réflexion fin mars. Son bureau examinera dans dix jours « des propositions d’actions pour obtenir une couverture médicale du territoire équilibrée ». En attendant, son président, le maire UMP de Lons-le-Saunier (Jura) a déjà enfoncé le clou. « Si le bilan des mesures d’incitation se révélait inefficace, il faudrait alors mettre en place, à un niveau national, un dispositif de régulation », a prévenu Jacques Pélissart. Lors de la rencontre de nombreux élus locaux ont ouvertement émis de doutes, devant Xavier Bertrand, sur l’utilité des mesures incitatives. La régulation trouve de plus en plus d’avocats à gauche mais aussi à droite. Dernier exemple en date : le collectif « Droite rurale » qui rassemble 55 députés UMP a été reçu par Nicolas Sarkozy. Ces élus réclament un « Plan Marshall de la ruralité » qui comprend l’accès à un médecin généraliste dans un délai maximum de trente minutes de trajet. On compte dans les rangs de cette association le député UMP Pierre Morel-à-L’Huissier qui s’était rendu célèbre pour sa provocation : « En Lozère, il vaut mieux être une vache qu’un homme, il y a plus de vétérinaires que de médecins ». Pendant les débats sur la loi Bachelot, il avait inlassablement défendu des amendements de nature coercitive sur la démographie médicale. Le gouvernement les avait alors systématiquement repoussés au motif que le sujet relevait de la négociation conventionnelle. Si rien ne sort dans la convention, on risque d’entendre à nouveau tous ces élus.
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