En 1928 : création de la CSMF. 1945 : généralisation de la Sécurité sociale. 1960 : scission syndicale ; le Dr Monier propose d’entrer dans le système conventionnel pour le modifier de l’intérieur… En effet à la veille des années 1960, il n’existe qu’une cinquantaine de conventions départementales. Le décret Bacon du 12 mai 1960 impose le tarif opposable en maintenant le système conventionnel mais dans le cadre d’une Convention type contraignante. Ceci génère une vive opposition de la profession, les opposants se structurent, toutes les conventions départementales sont dénoncées.
Ainsi, en 1968, la FMF est créée. Elle est hostile au projet de Convention Nationale que le Dr Monier présente comme un véritable « contrat social » de la médecine avec son temps. La généralisation progressive du système de la couverture sociale et l’extension des conventions a entraîné une augmentation de la consommation médicale estimée à 15 % par an entre 1960 et 1970.
En octobre 1971, la première Convention Nationale est signée par la CSMF et quelques mois plus tard par la FMF. Ainsi le long combat mené par le syndicalisme médical pour défendre l’entente directe paraît terminé.
En 1980, la FMF signe la troisième Convention Nationale qui instaure notamment une enveloppe globale qui vise à diminuer les dépenses d’assurance-maladie, ainsi que le secteur à honoraires libres, le secteur 2.
Étrangement la CSMF est opposée à cette convention qui instaure certes une enveloppe globale mais aussi en réel espace de liberté. La manifestation nationale qu’elle organise en juin 1980 a présenté tout au long de son parcours un caractère débonnaire, mais lorsque le défilé a voulu se diriger vers l’Élysée, de brèves et violentes échauffourées avec les forces de l’ordre se produisirent sur le pont Alexandre III, marquant à jamais l’inconscient collectif de notre profession.
En 1981, le SML est créé, réalisant le tour de force de s’approprier la paternité du secteur 2, et en 1985, le Dr Bouton quitte la CSMF pour fonder MG-France.
Ce survol fait apparaître qu’il y a toujours eu les tenants d’une médecine aux actes biens rémunérés et à leur juste valeur, et ceux d’un système inflationniste d’actes de plus en plus mal tarifés mais compensé par le volume…
Les médecins sont attachés au paiement direct à l’acte, un des piliers de la médecine libérale. Cependant, les dépenses de santé sont soumises à un double effet dérégulant avec d’un côté un paiement à l’acte mal rémunéré et de l’autre un accès libre de tous les patients, pratiquement gratuit, à un système de santé affaibli par une insuffisance chronique de financement.
Quadrature du cercle
Mais comment, dans un contexte morose, les médecins généralistes pourraient-ils réduire leurs actes, pour certains peu gratifiants, comme les certificats médicaux, mais venant compenser les consultations longues et difficiles, leur permettant ainsi d’accéder à des revenus décents ?
Quant aux spécialistes qui sont auto-prescripteurs de leurs actes techniques, ne sont ils pas soumis souvent aux exigences de leurs patients habitués à un certain excès d’actes tant cliniques que techniques, pour pratiquer des actes ne leur paraissant pas nécessairement utiles ?
Les médecins ne subissent-ils pas, dans un autre domaine, le rôle croissant de la « judiciarisation de la santé », voulue par les politiques, source d’inflation d’actes « de sécurité » ? Devant les disparités régionales constatées la notion de pertinence des actes aussi bien à l’hôpital qu’en ville ne devient-elle pas un débat d’actualité ?
Ainsi le corps médical est plongé dans un dilemme ou le refus de pratiquer un acte, une consultation se conjugue au mécontentement de nombre de patients et à une perte de revenus. Pour refuser de faire une ordonnance ou un acte, il faudrait dégager un temps médical rémunéré pour l’explication, la persuasion, ce qui fait cruellement défaut.
Notre système de santé semble s’affaiblir sans cesse du fait de sa facilité d’accès et des droits accordés à chacun et que beaucoup nous envient. Le patient qui pense être malade peut consulter autant de fois qu’il le souhaite un ou plusieurs médecins, y compris dans la même journée ; il peut consulter un spécialiste en accès direct, peut exiger des examens qu’il sera difficile de refuser, si les rendez-vous sont trop lointains exiger d’être vu en urgence ou se présenter dans un service d’urgence quand bon lui semble. Comment s’étonner alors que les services d’urgence soient embolisés, souvent par des pathologies bénignes, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Déperdition d’énergie médicale
Cette facilité d’accès aux soins contribue à gripper un système par des patients qui s’estiment mal, mais pas forcément très malades, et à faire consommer une énergie médicale considérable au détriment d’un temps médical qui devrait être affecté aux pathologies lourdes.
Nous ne pouvons plus faire l’économie d’un débat de fond, associant inévitablement les associations de patients, pour réfléchir ensemble sur cette notion de maladie et des droits d’accès à notre système de santé.
Si notre système de santé se doit d’accorder aux patients porteurs de pathologies chroniques lourdes un accès aux soins sans aucun reste à charge, ne faudrait-il pas réfléchir à l’utilisation, dite de confort, de nos ressources de santé, de tous ces hypocondriaques, ces anxieux, ces exigeants soumis à aucune régulation et bénéficiant d’une prise en charge gratuite.
Les ressources s’épuisant avec toutes ces dépenses s’associant à celles du dentaire et de l’optique, les patients se plaignent des tarifs de la santé et réclament le plus d’économies possibles et ne sont pas insensibles au fait de ne plus du tout avoir à payer le médecin.
Le tiers payant obligatoire et systématique est perçu comme un progrès social, mais vouloir une santé gratuite ou apparemment gratuite relève aujourd’hui d’une démarche démagogique dissimulant une gestion politique qui conditionne l’intrusion en masse des mutuelles, assurances et autres complémentaires dans le champ de la Sécurité sociale prétendument solidaire.
Si nous voulons sauver notre système d’assurance-maladie il est grand temps d’instaurer une réflexion avec les associations de patients notamment sur une méthode de régulation de recours aux urgences, sur la notion de maladie, sur l’accès libre au système de santé et plus généralement sur ce que notre Sécurité sociale peut encore assurer et couvrir intégralement.
Parler de petits risques n’est pas un gros mot ou de panier de soins socialement acceptable, si cela permet de concentrer le maximum de moyens sur les polypathologies et les affections lourdes et de longue durée.
Il nous faut mettre en avant un temps médical qui ne saurait être gratuit aussi bien pour les actes de soins que pour les tâches administratives, car ce temps médical doit avoir une réelle valeur et à terme est source d’économie.
En permettant aux médecins la tenue et la mise à jour d’un dossier médical partagé, en procédant à une réévaluation constante des traitements en concertation avec les paramédicaux, le médecin devient un authentique pivot du suivi social des patients.
Ainsi trouver tous les moyens de la promotion de ce temps médical et de sa nécessaire valorisation sera le garant de l’indépendance professionnelle du médecin libéral.
Le Syndicalisme Médical devra, par la pertinence de ses propositions et son unité, relever ce grand défi pour que perdure notre système de santé.
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