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Je loue à mon prédécesseur un cabinet qui s'avère non conforme aux règles d'accessibilité. Puis-je résilier mon bail sans subir le préavis obligatoire de six mois ?

Publié le 01/12/2022

Besoin d’une aide juridique dans le cadre de votre activité médicale ? Les lecteurs du « Quotidien » ont soumis leurs questions à Maître Maud Geneste et à Maître Jacques-Henri Auché, avocats au cabinet Auché, partenaire du journal.

Eric E
Je suis médecin généraliste installé seul dans 1 local en RDC d’une copropriété que je loue à mon prédécesseur depuis le 1er avril 2012. Ce local n’est pas entièrement conforme aux règles d’accessibilité. Comment puis-je, résilier mon bail professionnel (de 9 ans renouvelé par tacite reconduction en 2021) sans subir le préavis de 6 mois (pendant lequel un temps de 2h de visites journalier est stipulé dans le bail mais incompatible avec mon activité et mes charges familiales, subir les diagnostics, les travaux….) du fait que le propriétaire n’a pas tenu ses engagements sur la mise aux normes d’accessibilité et que j’exerce donc dans l’illégalité ? 
En effet, j’ai eu la chance de pouvoir acheter un appartement à proximité que je vais pouvoir transformer en local aux normes d’accessibilité.

Je réclame en vain depuis 2018 à mon propriétaire les justificatifs nécessaires à l’établissement d’un Registre public d’accessibilité. Je pensais que, par représailles, le propriétaire ne me fournissait pas de justificatif (dérogation, attestation d’accessibilité…) car il m’avait reproché d’engager des frais pour l’établissement d’un Ad’Ap en 2016.

Après avoir longtemps hésité, j’ai demandé à ma protection juridique d’intervenir en juin 2021. Ma protection juridique refuse de suivre ce dossier prétextant que le litige date de 2018 et n’a pas été déclaré dans les 2 ans. Toutefois, elle a accepté « à titre commercial » d’envoyer une lettre de mise en demeure au propriétaire en juillet 2021 restée sans réponse.

Cette lettre de mise en demeure précisait :
« … nous vous rappelons qu’au titre de l’article 1719 du Code civil vous êtes tenus de garantir au preneur la jouissance paisible du local pendant la durée du bail. Par ailleurs, le contrat de bail prévoit que « le bailleur assurera la jouissance paisible du bien loué et, sans préjudice de l’application de l’article 1721 du Code civil, garantira le preneur des vices ou défauts de nature à y faire obstacle, hormis ceux consignés dans l’état des lieux ». Or, afin de garantir la jouissance paisible du local, vous êtes tenu de fournir à votre preneur les éléments nécessaires lui permettant de justifier de la conformité de son local aux règles d’accessibilité des ERP.
Nous vous mettons donc en demeure d’adresser à notre assuré, les documents nécessaires à l’établissement de son registre Public d’Accessibilité, à savoir l’ensemble des documents en votre possession… »

Souhaitant comprendre pourquoi il ne répondait pas à cette lettre de mise en demeure, j’ai contacté la mairie qui a accepté de me fournir les pièces principales du dossier Ad’ap déposé en 2016, dont les travaux devaient s’achever en 2018. Celle ci m’a confirmé ne disposer d’aucune attestation d’achèvement des travaux ni attestation d’accessibilité.
L’Ad’Ap indique que le propriétaire s’était engagé sur un montant de travaux de 3950 € portant en majeure partie sur les parties communes.
Cet Ad’Ap a permis d’obtenir une dérogation sur les largeurs de circulations intérieures du local et l’étroitesse des sanitaires matérialisée par un arrêté préfectoral. Cet arrêté rappelle que la dérogation a été accordée en contrepartie de l’impossibilité technique de faire les travaux nécessaires dans le local et l’engagement du propriétaire de faire les travaux prévus dans les parties communes.
L’Ad’Ap a été déposé avant d’obtenir (ou peut être en omettant de joindre…) le PV d’assemblée générale des copropriétaires sur lequel était acté le refus de réaliser des travaux liés à l’accessibilité dans les parties communes.

La demande d’autorisation de faire des travaux dans les parties communes aurait dû être faite avant de déposer l’Ad’Ap en mairie et une demande de dérogation portant sur le refus de la copropriété de faire réaliser les travaux concernant les parties communes aurait du être demandée au moyen de cet Ad’Ap.

Mon propriétaire ne peut donc me fournir aucun justificatif de l’accessibilité des locaux que je loue… puisqu’il ne veut pas engager sa responsabilité sur l’achèvement de travaux prévus à l’Ad’Ap mais non réalisés.

J’ai appris récemment l’existence de l’Ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis : il est désormais possible pour chaque copropriétaire de réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble (art. 25-2, L. 10 juillet 1965). J’en déduis que rien ne pourrait s’opposer aujourd’hui à la réalisation, par le bailleur, à ses frais, des travaux prévus initialement à l’Ad’Ap.

Cordialement
 
Cher Docteur,
Vous pouvez toujours tenter une approche amiable avec votre propriétaire vu les circonstances, étant donné qu'il n'a visiblement pas procédé en conformité avec les textes en vigueur.
Si une telle démarche n'aboutissait pas, vous pourriez saisir le juge pour contraindre votre bailleur à se mettre aux normes, et à défaut ordonner la résiliation du bail. Attention toutefois, si vous avez voté contre les travaux d'accessibilité dans les parties communes à l'occasion de l'AG, vous seriez en contradiction, et votre demande pourrait être rejetée. 
Je ne puis donc augurer d'une telle action sans connaître l'entier dossier.
Bien à vous
Maud Geneste
Avocat 
Conseil, défense et Audit retraite et patrimonial
pour les professionnels de santé
m.geneste@ah-avocats.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr