HISTOIRES COURTES - Une nuit ordinaire

Emma et Marc (2/2)

Publié le 18/07/2016
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Par Elodie Torrente

La sueur dégouline sur le visage de Marion. L’émotion, la peur, l’envie de fuir à toutes jambes. Pourquoi est-elle venue ? Ici, en plus. Dans cet hôpital, ces urgences ? Il y a plein d’hostos à Paris. Edgard lui prend la main. Elle la retire vivement. Ce n’est pas parce qu’ils ont partagé un moment d’intimité qu’ils sont ensemble. Elle baisse les yeux et attend que quelqu’un les reçoive.

Edgard se demande pourquoi il a eu ce geste tendre. Des coups d’un soir, il en a eu, il en a et il en aura. Avec sa gueule de minet, c’est facile. Il suit cette nana jusque dans un hôpital par curiosité ; il veut connaître la suite. Contribuer à démontrer l’irrationalité de la situation en apportant un élément essentiel, il assume. Mais avoir un geste tendre pour une fille aussi déjantée, eut-elle un joli fessier, faut pas abuser.

Son vœu d’échapper aux histoires des jeunes mères a été exaucé. Enfin ça bouge. Marc s’est levé en même temps que sa jolie collègue. Comme un seul homme, dès que le signal a été donné. Dans le couloir beige ligné de rouge, il reste derrière Emma. Reluquer ses fesses, ça ne se refuse pas. Un petit plaisir avant une urgence, c’est le minimum. Et quelles fesses !

Emma sent le regard. Ça chauffe dans son dos. Il faudra éclaircir ce sujet plus tard. Elle se concentre sur l’urgence à venir. Elle ne l’espère pas trop grave. Marc est compétent mais elle le sent ailleurs. Prêt à bondir sur elle à la moindre occasion. Il a une nana pourtant. Comment s’appelle-t-elle, déjà ? Elle se sermonne en passant les portes à battant. Concentre-toi, ma vieille. Marc est un collègue. Et c’est avec lui et maintenant qu’il va falloir assurer.

Marion déglutit, respire à fond. Deux internes se présentent derrière la banque d’accueil. Blonds et séduisants, ils forment un beau couple. C’est la première réflexion qui lui vient avant de chercher les mots pour annoncer son urgence. Leur dire que c’est un accident. Un accident un peu particulier. Un accident bête aux lourdes conséquences. Elle en est certaine. Elle tente de s’adresser à la soignante. Entre femmes, on se comprend.

Edgard a envie de rire. La situation ubuesque, sans doute. Il est aux anges. Comment va-t-elle annoncer la chose ? Il attend qu’elle se lance mais impatient, prend la parole ou plutôt la lui coupe, en s’adressant au blond dont le visage semble tout droit sorti d’un magazine de mode : « C’est pour un accident de préservatif. »

Marc ne doit pas rire, c’est sérieux. Pourtant, l’interne ne peut s’empêcher de répondre : « Et il va bien, le préservatif ? » Emma sourit. Il marque un point. Edgard rigole. Marion les fusille du regard. La gravure de mode en blouse blanche demande au couple de le suivre dans une salle de soins. Ce type d'accident n’est pas à prendre à la légère, bien sûr. Que s’est-il passé ?

Emma tente de contenir son rire quand la fille raconte ses incroyables ébats sexuels sans sourciller. Subjugué, Marc en rajoute. L’occasion est trop bonne de se cultiver. Il lâche même : « Ce n’est pas ma femme qui ferait ça ! ». Emma a de plus en plus de mal à garder son sérieux. Pose des questions. Ne se retient plus du tout quand Edgard lui tend le coupable : un légume oblong enveloppé d’un préservatif percé. Marion se défend. « Il n’est pas bio ! Avec mes allergies alimentaires, c’est risqué ! » Marc, mi-sérieux, mi-amusé, compatit : « Pour vous rassurer nous pouvons vous garder en observation cette nuit et effectuer des examens sur ce concombre. » Edgard s'enfuit. Marion le suit. Emma laisse aller son fou rire. Marc en profite pour se rapprocher. Le bip résonne. Pour nos deux urgentistes, la nuit ne fait que commencer…

Une prochaine histoire courte… à la rentrée !

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Source : Le Quotidien du médecin: 9512