Après un été difficile sur fond d’augmentation des fermetures temporaires de services, la Fédération hospitalière de France (FHF) abordait la rentrée avec un relatif optimisme lié à une légère embellie sur le front des ressources humaines. Le taux de postes vacants est en effet passé entre avril 2022 et juin 2023 de 2,5 % à 2,4 % chez les aides-soignants et de 5,7 % à 4,9 % chez les infirmiers. Mais les bonnes nouvelles s’arrêtent là. La situation demeure en effet toujours tendue pour les médecins : en 2022, 98 % des établissements rencontraient des difficultés pour recruter des praticiens, notamment urgentistes (27 % de taux de postes vacants) et le déficit global des hôpitaux, proche du milliard d’euros, a doublé depuis le début de la crise sanitaire, attestant d’une situation financière alarmante.
« Le pourcentage d’établissements de santé privés déficitaires qui est aujourd’hui de 32 % pourrait passer à 50 % dès le début de l’année prochaine si notre appel n’est pas entendu par l’État », exprime pour sa part Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Selon lui, il manque en cumulé pour 2023 et 2024, plus de cinq milliards d’euros dans le PLFSS 2024 pour répondre aux besoins de financement de l’ensemble des établissements de santé publics et privés.
Retrouver un niveau d'activité d'avant Covid
L’enjeu pour l’hôpital est aussi de retrouver le niveau d’activité précédant la crise sanitaire. Or, si les séjours médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) publics ont augmenté au premier semestre 2023 de 2 % par rapport à 2022, ils restent inférieurs à leur niveau de 2019 (- 1 %), la chirurgie enregistrant pour sa part - 4 % par rapport à 2019 (- 5 % dans les CHU). « Les enjeux sont immenses et après la présentation du PLFSS pour 2024, nous sommes très inquiets, a déclaré le 4 octobre Arnaud Robinet, président de la FHF. Ce qui se joue dans ce texte, c’est l’avenir de l’hôpital public. Pour l’exercice 2023, les coûts liés à l’inflation de l’ordre d'un milliard et demi d’euros ne sont pas financés. Il en est de même pour les revalorisations du travail de nuit et des gardes du dernier trimestre 2023. Nous demandons un nouvel abondement de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie hospitalier 2023 de 1,9 milliard d’euros ».
Quant au taux d’évolution de l’Ondam de + 3,2 % acté dans le texte du gouvernement pour 2024, il est loin de rassurer les acteurs qui craignent au contraire de creuser des déficits. Sans compter que d’autres contraintes financières s’imposeront aux hôpitaux en 2024 comme la hausse de 1 % des cotisations auprès de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Investissements en berne
Sans surprise, cette mauvaise santé financière a un impact direct sur les investissements. Et dans un contexte qui demeure fortement inflationniste, le plan de relance du Ségur de la Santé a lui-même été impacté par l’augmentation des prix de la construction (+ 6,62 % pour l’indice du coût de la construction en un an au premier trimestre 2023 selon l’Insee), des matériaux et par la remontée des taux d’intérêt. En mars dernier, l’Observatoire finance active 2023 de la dette des établissements de santé indiquait déjà un taux d’intérêt moyen d’emprunt en hausse de 2,12 % en 2022 contre 0,81 % l’année précédente.
Or, comme l’a exprimé le Pr François-René Pruvost, conseiller médical de la FHF et président du conseil scientifique des investissements en santé au ministère de la Santé et de la Prévention, « les impératifs de la seule transition écologique coûtent cher et la santé ne bénéficie pas non plus suffisamment de plans dédiés ».
Au-delà des dépenses à engager pour prévenir l’impact de la crise environnementale, les établissements ont aussi besoin d’investir face aux menaces persistantes des cyberattaques. Dans son dernier panorama, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) a pointé « une multiplication des cas d’attaque par rançongiciels depuis l’été 2022, particulièrement à l’encontre des collectivités territoriales et des établissements de santé avec des impacts conséquents ».
Pénurie de médicaments
À ces situations critiques pour la qualité même des soins s’ajoute l’indisponibilité persistante de certains médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui actualise régulièrement leur liste, vient également d’activer son plan hivernal 2023-2024 afin « d’anticiper et de limiter les tensions sur certains médicaments majeurs de l’hiver (antibiotiques, médicaments contre la fièvre, corticoïdes par voie orale, médicaments contre l’asthme) et ainsi sécuriser leur disponibilité ».
Reste enfin que dans un contexte aussi tendu, il est bien difficile de prédire quelle pourrait être la réponse hospitalière à la survenue d’une nouvelle crise sanitaire…
L’EPS de Ville-Evrard, résilient face à la crise
Sur les 2 200 équivalents temps plein (ETP) que compte l’établissement public de santé de Ville-Evard à Neuilly-sur-Marne, 160 postes paramédicaux sont vacants, dont 95 postes d’infirmiers (13 % de l’effectif). 20 % de postes médicaux restent également à pourvoir et d’autres professions - assistantes sociales, éducateurs spécialisés, psychologues - commencent à être en tension. « Avant le Covid, nous recevions entre 25 et 50 CV pour un poste de psychologue. Aujourd’hui, nous enregistrons trois ou quatre candidatures. Les fonctions de responsabilité n’intéressent plus et les fonctions subalternes sont peu investies », souligne le Dr Noël Pommepuy, pédopsychiatre et président de la commission médicale d’établissement. Pour la directrice de l’établissement, Cécilia Boisserie, « le phénomène d’usure et de fatigue lié à la crise sanitaire est venu s’ajouter à l’oubli relatif de la psychiatrie par les politiques publiques au cours des décennies précédentes. Par ailleurs, les conditions de vie en Île-de-France ont accéléré les départs en province ». À ce jour, l’établissement peut toutefois s’enorgueillir de n’avoir fermé ni service, ni lit. « En pédopsychiatrie, nous avons refusé d’allonger les délais d’attente en sélectionnant davantage les patients que nous prenons en charge, mais d’autres secteurs sont submergés par les demandes », poursuit le Dr Pommepuy. Pour faire face à cette situation inédite, l’établissement mise sur la formation – avec un budget annuel supérieur à deux millions d’euros -, le tutorat et l’accompagnement des (futurs) professionnels.
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