Un groupe d’experts s’est prononcé pour accepter la réalisation d’un dépistage à l’échelon individuel en France, à condition que les sujets concernés répondent aux critères de ceux de l’étude NLST, notamment d’être fumeurs de plus de 30 paquet-année ou anciens fumeurs de moins de 15 ans et âgés de 55 à 74 ans.
Les résultats de l’étude NLST (National Lung Screening Trial) parue en 2 011 (1) a soulevé un grand intérêt et de nombreuses réflexions dans la communauté des pneumologues et des cancérologues. En effet, cet essai randomisé comparant l’effet d’un scanner thoracique faiblement dosé annuel pendant 3 ans à une radiographie du thorax annuelle a démontré le bénéfice apporté par le scanner « low dose » sur la diminution de la mortalité spécifique par cancer bronchopulmonaire et sur la mortalité globale. Il a porté entre 2002 et 2007, sur 26 000 individus par bras, âgés de 55 à 74 ans ayant consommé au moins 30 paquets/année et étant fumeur ou ancien fumeur à condition d’avoir arrêté depuis moins de 15 ans. Il montre une réduction de la mortalité spécifique par cancer bronchique de 20 % et une réduction de la mortalité globale de 6,7 % dans le bras scanner annuel. « C’est la première fois qu’on démontre que le scanner thoracique est utile dans le dépistage du cancer du poumon et, mieux que ça, c’est la première fois qu’on démontre dans une étude de dépistage une réduction de la mortalité globale, souligne le Pr Étienne Lemarié ».
Deux modalités de dépistage
Peut-on alors envisager un dépistage individuel du cancer du poumon par scanner ? Un groupe d’experts de l’IFCT (Institut fédératif de cancérologie thoracique), de la SIT (Société d’Imagerie Thoracique) et du GOLF (Groupe d’oncologie de langue française) a envisagé les différents items à prendre en compte dans l’étude NLST pour établir une conduite pratique (2).
« Cette étude est extrêmement importante pour plusieurs raisons, insiste le Pr Étienne Lemarié. D’abord par le grand nombre de sujets inclus et parce que nous ne disposons pas d’autres études avec cette puissance statistique qui pourraient venir infirmer ni confirmer ses résultats. A priori, il faut toujours qu’une étude soit vérifiée par une autre. Nous avons aujourd’hui, une seule étude, l’étude NLST. On peut toujours lancer une autre étude de cette envergure mais les résultats ne seront connus que dans une dizaine, voire une quinzaine d’années ». Ce qui implique que si les résultats de l’étude peuvent inciter au dépistage, il n’en demeure pas moins qu’ils ne peuvent s’appliquer qu’aux personnes qui ont exactement les mêmes caractéristiques que celles de l’essai (âge, tabagisme, niveau socio-économique, compliance) sans perdre de vue qu’il s’agit d’une population Nord-américaine recrutée par les médias et non par les médecins. Dans la mesure où les caractéristiques de la population NLST sont équilibrées entre les deux bras, scanner et radiographie thoracique, ces différences n’altèrent pas la validité des résultats.
Il faut aussi gérer les faux positifs. En effet, dans l’étude NLST, 96 % des scanners positifs s’avéraient être des faux positifs. Ce qui est un facteur gênant pour une transposition dans la pratique, ne serait-ce que pour l’angoisse générée auprès des patients.
« Quoi qu’il en soit, conclut E. Lemarié, notre groupe d’experts s’est prononcé pour la réalisation d’un dépistage à l’échelon individuel en France, selon deux modalités : soit à la demande d’un sujet fumeur, soit à la demande d’un médecin après information sur les bénéfices et risques encourus et sur l’intérêt du sevrage tabagique. Les sujets concernés doivent, comme dans l’étude, être âgés de 55 à 74 ans et être fumeur à plus de 30 PA ou sevrés depuis moins de 15 ans ».
Entretien avec le Pr Étienne Lemarié, service de pneumologie, CHU de Tours
(1) Aberle DR, Adams AM, Berg CD, et al. Reduced lung-cancer mortality with low-dose computed tomographic screening. N Engl J Med2 011 ; 365 : 395-409.
(2)Couraud S. et al. From the NLST randomized trial to the clinic : How should we implement individual lung cancer screening in clinical practice ? Revue des Maladies Respiratoires 2013 ; 30, 15-17.
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