Chirurgie à cœur battant

Des résultats balancés

Publié le 03/05/2012
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Crédit photo : S TOUBON

DEPUIS LE MILIEU des années 1990, chez certains patients, il est possible d’effectuer une chirurgie de pontages coronaires, sans avoir recours à une circulation extracorporelle (CEC). Ce type de chirurgie est qualifiée de chirurgie sans CEC ou chirurgie à cœur battant. Il a été envisagé que, comme cette chirurgie est effectuée sans arrêt cardiaque et sans clampage aortique, elle puisse permettre de réduire l’incidence des AVC et des infarctus du myocarde (IDM) péri-opératoires.

Les registres disponibles n’ont pas permis de conclure à un plus grand bénéfice de la chirurgie avec ou sans CEC. De même, les deux principaux essais thérapeutiques disponibles, le premier de 200 patients et le second, l’étude ROOBY, ayant randomisé 2 203 patients, ont eu des résultats, non concluants, précoces et à 8 ans identiques dans le premier essai. Dans le groupe sans CEC, il n’y avait pas de différence précoce dans le pronostic du second essai, mais plus de décès, d’IDM et de nouvelles interventions coronaires à 1 an.

Les méta-analyses de l’ensemble des essais disponibles aboutissent aux mêmes conclusions : le taux de pontages perméables à distance est moindre chez les patients ayant eu une chirurgie sans CEC que chez ceux ayant eu une chirurgie avec CEC. Ceci serait dû, entre autre, à une plus grande difficulté à effectuer des anastomoses vasculaires de bonne qualité sur cœur battant.

Afin de mieux évaluer l’apport de la chirurgie de pontage à cœur battant, il était donc utile d’effectuer un nouvel essai, de plus grande ampleur. Ce fut l’étude CORONARY.

Grande ampleur.

L’étude CORONARY a comparé la chirurgie de pontage coronaire, effectuée avec ou sans CEC, chez 4 752 patients, afin d’évaluer si la technique sans CEC permet de réduire à 30 jours l’incidence des décès, des IDM, des AVC et des insuffisances rénales justifiant la dialyse. Cette étude a été un essai thérapeutique contrôlé, randomisé, conduit en ouvert, multicentrique (79 hôpitaux) et international (19 pays). La chirurgie devait être effectuée par des chirurgiens expérimentés en chirurgie sans CEC.

Le nombre de pontages effectués chez les patients sans CEC a été moindre que dans le groupe avec CEC (3,0 versus 3,2 ; p ‹ 0,001) et le taux de revascularisation incomplète plus élevé (11,8 % versus 10,0 % ; p = 0,05). Comparativement au groupe avec CEC, dans le groupe sans CEC la durée de l’opération a été plus courte (4,0 versus 4,2 heures ; p ‹ 0,001), de même que la durée de la ventilation artificielle (9,6 versus 11,2 heures ; p ‹ 0,001).

Au terme des 30 jours de suivi, il n’y a pas eu de différence entre les groupes sur l’incidence des événements du critère primaire (9,8 % dans le groupe sans CEC et 10,3 % dans le groupe avec CEC ; RR = 0,95 ; IC 95 % : 0,79-1,14 ; p = 0,59), de même que sur l’incidence de chacun des composants de ce critère. Notamment, l’incidence des AVC a été de 1,0 % dans le groupe sans CEC et de 1,1 % dans le groupe avec CEC (RR = 0,89 ; IC 95 % : 0,51-1,54).

Des risques différents selon le type de chirurgie…

En revanche, il y a eu des différences significatives concernant l’incidence de plusieurs événements non souhaités. Ainsi, comparativement au groupe sans CEC, chez les patients du groupe avec CEC, il y a eu significativement plus de transfusions sanguines (50,7 % versus 63,3 % ; risque relatif pour l’absence de CEC : 0,80 ; IC 95 % : 0,75-0,85 ; p ‹ 0,001), plus de reprise chirurgicale pour hémorragie (1,4 % versus 2,4 % ; risque relatif pour l’absence de CEC : 0,61 ; IC 95 % : 0,40-0,93 ; p = 0,02), plus d’insuffisance rénale aiguë selon les définitions RIFLE et AKIN (28,0 % versus 32,0 % ; risque relatif pour l’absence de CEC : 0,87 ; IC 95 % : 0,80-0,96 ; p = 0,01) et plus de complications respiratoires (5,9 % versus 7,5 % ; risque relatif pour l’absence de CEC : 0,79 ; IC 95 % : 0,63-0,98 ; p = 0,03).

Mais, comparativement aux patients ayant eu une chirurgie avec CEC, chez les patients n’ayant pas eu de CEC, il y a eu plus de reprise chirurgicale précoce pour nouvelle revascularisation (0,7 % versus 0,2 % ; risque relatif : 4,01 ; IC 95 % : 1,34-12,0 ; p = 0,01).

… et selon le délai.

Au terme de cette étude et de la synthèse des données concernant la comparaison des chirurgies de pontage coronaire effectuées avec ou sans CEC, il se confirme qu’il n’y a pas de différence en termes de pronostic global entre les deux techniques lorsque sont pris en compte des événements cardio-vasculaires majeurs (IDM, AVC) et les décès précoces. Les complications péri-opératoires sont plus fréquentes lorsqu’il y a CEC, alors que la revascularisation est moins complète lorsqu’il n’y a pas de CEC. D’autre part, plusieurs études ont indiqué que le taux de pontages perméables à distance était moins élevé lorsque la chirurgie était effectuée sans CEC par rapport à sa réalisation avec.

A Lamy (Hamilton, Canada). The Coronary Artery Bypass Grafting Surgery Off or On Pump Revascularization Study.

 Dr F. D.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9122