« Difficile de comparer la situation d’un homme de 75 ans, en surpoids, diabétique de type 2 traité par metformine depuis 3 ans, avec une lésion focale sur l’interventriculaire antérieure et celle d’un homme de 50 ans, traité depuis 35 ans pour un diabète de type 1 avec une ischémie silencieuse et une atteinte coronarienne tritronculaire, a rapporté le Pr Thomas Cuisset (La Timone, Marseille). Mais même si le terme de coronarien diabétique regroupe des phénotypes très différents, certaines spécificités se dégagent ». Chez le diabétique, la maladie coronaire est en effet souvent plus diffuse, touchant des vaisseaux plus petits ; les lésions sont volontiers complexes, calcifiées, avec un risque majoré d’évolutivité et d’instabilité. Cliniquement, la maladie coronaire se présente le plus souvent de deux façons : maladie asymptomatique (ischémie silencieuse), et syndrome coronaire aigu (SCA), de mauvais pronostic.
Le coronarien diabétique est plus à risque de complications liées à la maladie coronaire, mais aussi au traitement : risque accru de saignements avec les antiplaquettaires et de thrombose et de resténose de stent après revascularisation. Autant de paramètres qui ont un impact sur la prise en charge, qui doit globalement être plus agressive que chez le non diabétique.
Moindre effet des antiplaquettaires historiques
Le traitement antiplaquettaire a des particularités chez le diabétique qui a une hyperactivité plaquettaire. On observe plus fréquemment un échappement nycthéméral à l’acide acétylsalicylique (ASA), qui n’est pas corrigé par l’augmentation de la posologie. D’où l’idée de donner l’ASA non plus en monoprise mais en deux prises quotidiennes. Cette stratégie est évaluée actuellement dans l’étude Andaman menée dans le cadre d’un PHRC. Quelque 2 500 patients diabétiques doivent être inclus pour recevoir, après un SCA, de l’ASA 100 mg le matin ou 100 mg matin et soir, puis suivis pendant 18 mois.
En prévention primaire, les résultats de l’étude Ascend ont été décevants, avec un bénéfice modeste de l’ASA et une augmentation des hémorragies graves. Un constat qui a conduit la Société européenne de cardiologie à proposer de discuter un traitement par ASA en prévention primaire uniquement chez les patients à haut risque. Le traitement par ASA est en revanche recommandé en prévention secondaire, même si ses effets sont moindres que chez les non diabétiques.
La réponse au clopidogrel est également moins bonne chez les diabétiques, toujours du fait de l’hyperactivité plaquettaire, d’une augmentation du turn-over plaquettaire et de l’activité estérasique. « L’arrivée du prasugrel et du ticagrelor, qui ont démontré leurs bénéfices dans les études Triton et Plato il y a plusieurs années, a complètement changé la situation », a rappelé le Pr Cuisset.
Dans la maladie coronaire stable, on attend désormais les résultats de l’étude Themis, qui évalue les effets du ticagrelor à la posologie de 60 mg deux fois par jour sur une cohorte de près de 20 000 diabétiques de type 2 à haut risque d’événement cardiovasculaire.
Autre particularité du coronarien diabétique : la durée de traitement. « Dans le SCA, les tentatives de réduction de la durée de la double antiagrégation plaquettaire se sont soldées par des échecs et il semble à l’inverse qu’une prolongation du traitement pourrait être bénéfique », a souligné le Pr Cuisset.
Enfin, la présence d'un diabète est un des paramètres pris en compte dans le choix de la technique de revascularisation. Les recommandations plaident plutôt en faveur du pontage chez une majorité de patients diabétiques pluritronculaires, mais la décision se fait bien sûr toujours au cas par cas.
D’après la communication du Pr Thomas Cuisset, hôpital de la Timone, Marseille
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