La plupart des personnes victimes de chutes graves en ont déjà fait, ou présentent des signes annonciateurs. Le Pr Hubert Blain (Montpellier) pointe « l'importance d'un dépistage précoce de tous les facteurs de risque (FDR) » : médicaments, troubles oculaires, pathologies articulaires, neurologiques, musculaires, manque d’exercice physique, facteurs environnementaux (isolement social, chaussures mal adaptées, obstacle au sol…).
Bien évaluer le risque
L’évaluation du risque (faible, intermédiaire ou élevé) passe par une étude rigoureuse de la situation de chaque patient. La prise en charge suit un algorithme, allant de la prévention par une éducation thérapeutique à une évaluation gériatrique standardisée. Si le risque de chute est faible, la prévention primaire repose sur l’éducation à la prévention des chutes et des conseils pour exercer une activité physique (AP) régulière. Si le risque est modéré, il faut remédier aux facteurs de risque majeurs et mettre en place une AP adaptée (APA). Chez les patients à haut risque, un bilan personnalisé est effectué, en lien avec une équipe gériatrique, pour corriger les FDR et proposer une aide psychosociale. « Selon plusieurs études, un programme “ équilibre et prévention de la chute”, délivré par une équipe multidisciplinaire chez les personnes âgées à haut risque, permet de réduire le risque de chute, de blessures graves et la peur de tomber… (1) », explique le Pr Blain, qui a mis en place le programme MACVIA-LR. Dans ce contexte, un plan d’action national pour lutter contre les chutes des sujets âgés a été annoncé en février 2022. Il se décline selon cinq axes : savoir repérer les risques de chute et alerter, aménager son logement, instaurer des aides techniques à la mobilité, miser sur l’AP et la téléassistance comme outil de prévention des chutes graves.
Quels sont les patients concernés ?
L’enquête CHUPADOM en 2020 a permis de décrire les caractéristiques et les circonstances des chutes à domicile chez les personnes âgées. L’âge moyen des sujets concernés est de 84,5 ans, et près de 80 % des chutes avaient lieu dans la journée : au moment de la toilette (15 %) ou de la marche (14 %). Plus de la moitié des patients hospitalisés avaient déjà été victimes d’une chute dans les 12 mois précédents. Cinq profils de chuteurs ont ainsi été identifiés : les seniors robustes (65-74 ans, prenant des risques et tombant d’une grande hauteur), préfragiles (perte d’équilibre sans prise de risque particulière), fragiles (pathologies chroniques, environnement inadapté), dépendants (plus de 85 ans, chute lors d’activité faible), et dépendants avec une pathologie neurodégénérative.
Chez les sujets âgés à risque de chutes, il est conseillé de proposer des AP variées, en privilégiant celles de la vie quotidienne : exercices d’équilibre, de renforcement musculaire et d’endurance cardiorespiratoire. « De nombreux programmes d’AP ont été élaborés, comme par exemple OTAGO. Chez les sujets fragiles, celui-ci entraînerait une diminution des chutes de 34 %. Le programme LIFE propose des exercices à effectuer lors des activités quotidiennes (réduction de 31 % des chutes) », a souligné Cyril Vigouroux (ergothérapeute à Toulouse).
Sport sur ordonnance
L’APA peut être prescrite par le médecin traitant (loi de 2016) ou intervenant dans la prise en charge, le kinésithérapeute pouvant renouveler et adapter la prescription (loi de 2022). Les patients en affection de longue durée (ALD) peuvent en bénéficier depuis la loi de 2016, ainsi que les sujets atteints d’une maladie chronique, présentant des FDR, ou en perte d’autonomie. L’APA est prescrite sous forme d’un programme structuré dispensé par un professionnel (masseur-kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricien), un enseignant spécialisé, un éducateur sportif, ou une personne titulaire d’une certification fédérale. « Parallèlement, 554 maisons sport-santé ont été créées sur tout le territoire, mais beaucoup sont susceptibles de disparaître faute de moyens, déplore Christophe Martinez (Nîmes). Réunissant des professionnels de la santé et du sport, elles ont pour objectif d’accompagner les personnes souhaitant pratiquer une AP (sur prescription ou non) ». Mais le principal obstacle actuellement est le non-remboursement de l’APA sur prescription médicale, même chez les patients à haut risque.
(1) Blain H et al. Effectiveness of a programme delivered in a falls clinic in preventing serious injuries in high-risk older adults : a pre- and post- intervention study. Maturitas 2019, Apr; 122 :80-86.
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