L’allergie aux protéines de lait de vache (APLV) est souvent diagnostiquée par excès. Selon les études, il y aurait une suspicion chez 5 à 15 % des nourrissons alors qu’il n’y a que 1 à 3 % d’APLV confirmées parmi les bébés nourris avec une préparation infantile. « Ce taux pourrait être encore plus faible, de moins de 1 %, selon la Société européenne de gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique (Espghan), explique le Dr Jean-Pierre Chouraqui (Grenoble). Et, chez les nourrissons allaités au sein, les cas d’APLV confirmés sont rares (0,5 %). »
De simples troubles fonctionnels intestinaux, très fréquents durant l’enfance, peuvent être pris à tort pour une APLV. « La première chose à faire est donc d’affirmer le diagnostic », souligne le pédiatre.
Les symptômes sont très variables en fonction du type d’APLV. Dans le cas d’une APLV IgE-médiée, ils apparaissent dans les minutes (jusqu’à 2 heures) qui suivent l’ingestion ; au contraire, si l’APLV est non IgE-médiée, ou mixte, les symptômes apparaissent de façon plus tardive, au-delà de 2 heures après l’ingestion (jusqu’à quelques jours après).
Des symptômes variables non spécifiques
À l’exception de l’anaphylaxie, aucun symptôme n’est spécifique de l’allergie.
Les symptômes de l’APLV IgE-médiée peuvent être cutanés (urticaire, angiœdème), digestifs (œdème pharyngé, crampes abdominales, vomissements immédiats, diarrhée aiguë), respiratoires (rhinorrhée, laryngospasmes, toux, bronchospasmes) et cardiovasculaires (tachycardie, hypotension).
L’APLV non IgE-médiée peut se présenter sous deux formes. La forme aiguë est le syndrome d’entérocolite induit par les protéines alimentaires (Seipa) avec des vomissements en jets, des douleurs abdominales, une tachycardie, un choc hypovolémique, une léthargie… Il s’agit potentiellement d’une urgence.
La forme chronique se manifeste par des symptômes non spécifiques : rash eczémateux, RGO, nausées, vomissements, douleurs abdominales, et surtout un retard de croissance (absence de prise de poids). Il peut exister des formes sévères : proctocolite allergique induite par les protéines alimentaires (Paipa) ou encore œsophagite à éosinophiles.
Exclusion diagnostique des PLV et TPO
Différents tests peuvent être réalisés. En cas d’APLV IgE-médiée, le prick test cutané permet d’obtenir une réaction immédiate ; la lecture se fait 10 minutes après. Les patch tests ne sont pas recommandés (Espghan 2024). Le Rast PLV permet un dosage sanguin des anticorps IgE spécifiques anti-lait.
« Cependant, pour parler d’allergie, la positivité du prick test et du Rast ne suffisent pas : aucun ne diagnostique l’allergie. Il s’agit d’un diagnostic de sensibilisation. Ainsi, il faut déjà que la consommation de protéines du lait de vache entraîne des signes évocateurs. La confirmation du diagnostic se fait par la disparition des signes cliniques en 2 à 4 semaines avec le régime d’éviction des PLV suivie, 4 à 12 semaines après, d’un test de provocation orale (TPO) réalisé en milieu hospitalier (2 heures en observation) », explique le Dr Chouraqui.
Choix d’un substitut
Une fois le diagnostic posé, en cas d’allaitement maternel exclusif, il est nécessaire d’exclure les PLV du régime de la mère durant 2 à 4 semaines et de surveiller l’amélioration ou non des symptômes.
Si l’enfant n’est pas allaité au sein, les formules infantiles à base d’hydrolysats poussés de protéines dérivées du lait de vache sont indiquées en première intention pour la période d’exclusion. Celles à base de riz peuvent être une alternative. Les formules infantiles à base d’acides aminés doivent être réservées aux cas sévères. « Il faut tenir compte de la précocité et de la sévérité des symptômes initiaux, de la qualité et de l’acceptation du substitut proposé. Les laits de soja, d’autres mammifères (chèvre) ainsi que les jus végétaux doivent être bannis, insiste l’expert. Quel que soit le substitut, il faut vérifier qu’il soit donné en volume et/ou en concentration appropriés. Il faut également surveiller la croissance et les apports en calories, protéines, calcium, vitamine D et fer. »
Deux stratégies pour stimuler la tolérance
Après la période d’exclusion et rémission des symptômes, la première étape consiste à déterminer, par TPO, le niveau de tolérance d’une quantité croissante de protéines du lait de vache. Si elles ne sont pas totalement tolérées, il existe deux méthodes pour favoriser la tolérance.
Le « step-up » est un protocole de réintroduction graduelle suivant une « échelle de lait ». L’échelle débute par l’introduction de petites quantités de protéines de lait cuit, sous forme de biscuits, gratin, muffin, pancake, puis du fromage, des yaourts, jusqu’à l’introduction de lait pasteurisé. « 70 à 83 % des enfants souffrant d’APLV tolèrent des produits contenant du lait cuit à 180 °C pendant au moins 30 minutes, d’où l’intérêt du gratin dauphinois », souligne non sans humour le Dr Chouraqui devant l’auditoire lyonnais.
L’autre approche, dite « step-down », consiste à tester la tolérance à un hydrolysat partiel de protéines. « Les hydrolysats partiels ne doivent pas être utilisés pour traiter une APLV en première intention à la phase aiguë. En revanche, ils peuvent l’être, après rémission des symptômes au bout d’un certain temps d’éviction (> 3 mois), à titre de pont entre un hydrolysat poussé et le lait de vache, afin de favoriser l’acquisition de la tolérance », explique le pédiatre. S’il est toléré, il faut le poursuivre trois mois.
Toutes ces données reposent sur des études observationnelles et sont à adapter en fonction de l’enfant.
Communication du Dr Jean-Pierre Chouraqui (Grenoble)
(1) Vandenplas Y et al. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2024 Feb;78(2):386-413
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