La bronchopathie chronique obstructive (BPCO) frappe aujourd’hui en France entre 3 et 4 millions de personnes et serait responsable d’environ 17 500 morts par an, cinq fois plus que les accidents de la route. Son coût total de santé est estimé à 3,5 milliards d’euros et 100 000 malades présentent des formes sévères nécessitant une oxygénothérapie et/ou une ventilation à domicile. « Et ce ne sont que des estimations, précise le Dr Frédéric le Guillou, car la maladie est sous-diagnostiquée. Pour parvenir à un diagnostic précoce, il faut une détection ciblée. On ne peut pas parler de dépistage, poursuit-il, celui-ci impliquerait de s’adresser à une population de masse et de disposer de tests clairement identifiés, fiables, reproductibles et peu coûteux, ce qui est impossible. Je préfère le terme de détection ciblée ».
Deux tiers des patients ne sont pas diagnostiqués. La détection doit certes cibler le tabagisme bien sûr (85 % des cas), mais également les maladies professionnelles de certains secteurs spécifiques (minier, BTP, fonderie, sidérurgie, industrie textile ou agricole). D’où l’importance du rôle des médecins généralistes et du travail et de la sensibilisation des autres professionnels de santé.
« Le plan BPCO 2005-2010 fut un échec, déclare le Dr le Guillou. Destiné, entre autres, à développer les connaissances, soutenir la recherche, améliorer l’accès aux soins et l’information, il manquait terriblement de moyens. Un million d’euros par an lui était consacré alors que la pathologie elle-même coûte 3,5 milliards ! ». Des appareils de mesure du souffle étaient mis à la disposition des médecins qui ne s’en servaient pratiquement pas. En effet, pour poser le diagnostic de BPCO, il faut faire une spirométrie (mesure des débits bronchiques) avec un test de réversibilité (administration d’un bronchodilatateur pour différencier la BPCO de l’asthme). C’est une technique qui demande une formation, car elle est opérateur-dépendante. Il faut savoir stimuler le patient. Certes, les médecins généralistes peuvent pratiquer le test mais celui-ci est chronophage. En effet, pour que l’examen soit coté, il faut mesurer la CV lente et la CV forcée trois fois de suite, faire le test aux bêta-2-mimétiques, attendre quinze minutes et répéter les mesures trois fois.
Le maître symptôme est la dyspnée
Les auto-questionnaires, notamment le questionnaire GOLD sur le tabac, devraient être plus souvent utilisés et l’interrogatoire plus approfondi. « Le maître symptôme est la dyspnée, insiste le Dr le Guillou. Mais les patients sous-estiment leurs symptômes, car ils adaptent leur mode de vie à leur essoufflement. Il faut leur demander précisément s’ils sont plus essoufflés qu’auparavant pour telle ou telle activité, s’ils ont diminué leurs activités physiques. Certes la toux et l’expectoration sont généralement présentes chez le fumeur et l’ancien fumeur mais la dyspnée reste le principal symptôme ». Il faut sensibiliser le public par des campagnes d’information, des messages sanitaires concernant la BPCO sur les futurs paquets neutres de tabac, sensibiliser les professionnels de santé avec un usage séquentiel d’un questionnaire standardisé type GOLD suivi chez les sujets à risque d’une mesure du souffle. L’utilisation d’un mini-spiromètre électronique assure avant tout le diagnostic des formes modérées à très sévères, qui restent sous-diagnostiquées et pour quoi il est essentiel d’améliorer la prise en charge.
Une fois le diagnostic posé ou fortement suspecté, c’est au pneumologue de procéder à une évaluation complète de la maladie et de mesurer la distension pulmonaire responsable de dyspnée par la pléthysmographie (mesures des débits et des volumes pulmonaires mobilisables et non mobilisables), évaluer les comorbidités associés. La radiographie pulmonaire peut être utile car elle permet d’objectiver la distension et éventuellement de découvrir des opacités.
Une fois détectée, la prise en charge de la BPCO repose sur le trépied : arrêt du toxique, ré-entraînement à l’effort et bronchodilatateurs.
« L’amélioration de la prise en charge en termes de santé publique devrait passer notamment par le plan national de lutte contre le tabagisme mais pas une seule fois, déplore le Dr le Guillou, ce plan ne mentionne les maladies respiratoires ! Les professionnels de santé devraient être mieux formés à la détection, les autoquestionnaires développés et mieux connus ».
Entretien avec le Dr Frédéric le Guillou, pneumologue (La Rochelle), président de l’association BPCO http://www.bpco-asso.com/
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