La question s’est souvent posé de la pertinence de l’imagerie, afin d’identifier d’éventuelles lésions cérébrales, devant une pathologie psychiatrique. On dispose de diverses études, essentiellement rétrospectives et relativement anciennes. Un travail, mené chez 435 patients hospitalisés en psychiatrie retrouve 14,3 % d’anomalies, essentiellement à type d’atrophie cérébrale (32 %), d’ischémie (32 %), puis de lésions post-traumatiques, de tumeurs, d’hémorragies, d’infections… des lésions qui sont pluricausales dans 21 % des cas. La probabilité de trouver des lésions cérébrales dépend de l’âge du patient et de la présence de signes neurologiques. D’autres recherches retrouvent des résultats similaires, avec prédominance de l’ischémie, de l’atrophie cérébrale et des lésions de la substance blanche.
Après un premier épisode psychotique, retrouve fréquemment des anomalies structurales à l’imagerie, mais elles sont rarement en cause dans les symptômes, et une intervention médiale n’est nécessaire que dans 3,5 % des cas.
De façon intéressante, une étude française sur le syndrome catatonique (syndrome psychomoteur aigu impressionnant, avec deux tiers d’étiologies psychiatriques), montre non seulement qu’il y a 85 % d’anomalies à l’IRM, mais que l’imagerie permet de prédire la réponse aux benzodiazépines.
« Les experts ne s’accordent pas sur la nécessité de réaliser, ou non, une imagerie dans les pathologies psychiatriques du fait du peu de conséquences sur la stratégie thérapeutique. On tend néanmoins à faire une IRM, surtout dans l’objectif de ne pas passer à côté d’autres diagnostics, particulièrement lorsque l’âge de début et l’évolution sont inhabituelles », conclut le Pr Ali Amad (psychiatre, Lille).
Repérer les déterminants des conduites suicidaires
Deux éléments sont déterminants dans la tentative de suicide (TS) : la douleur psychologique insupportable mais aussi la tendance à des choix stratégiques désavantageux, éléments que permet d’explorer l’imagerie fonctionnelle, en particulier l’IRM fonctionnelle (IRMf), en analysant les régions impliquées dans la réalisation d’une tâche.
Une comparaison d’IRMf a été menée chez des femmes ayant un historique de dépression avec TS, vs. un groupe témoin avec des antécédents dépressifs mais sans TS et enfin un groupe contrôle. Une des phases de l’étude explore les réactions devant des situations d’exclusion explicite (le sujet reçoit une explication sur l’impossibilité d’interagir avec les autres personnes) ou implicite (aucune explication ne lui est donnée). Contrairement aux autres groupes, celui ayant des antécédents de TS éprouve des difficultés à prendre en compte le contexte dans des situations d’exclusion — elles différencient mal l’exclusion explicite ou implicite, ce qui se traduit par des anomalies au niveau du gyrus supramarginal. De plus, en cas de sentiment d’exclusion, il existe une corrélation négative entre la douleur psychologique et l’activation orbitofrontale, qu’on ne retrouve pas dans le groupe témoin.
On sait que, dans le cas de la TS, la prise de décision s’oriente vers des solutions apportant une suppression immédiate de la douleur psychologique, au détriment des conséquences. Dans diverses situations, les personnes à tendances suicidaires optent pour des choix désavantageux, majorant leurs problèmes relationnels et le risque de stress. Un autre test montre que ces personnes choisissent, non en fonction de leur apprentissage mais de façon à éviter un retour émotionnel négatif, avec parallèlement des altérations préfrontales.
Le consortium « Enigma suicidal thoughts and behaviours » met en place de grandes cohortes, afin d’identifier les anomalies cérébrales associées aux pensées et comportements suicidaires. « À Montpellier, nous avons réalisé une base de marqueurs en IRMf de repos chez des sujets sains. Le but est d’y associer les données des sujets suicidants, afin de savoir quels sont les paramètres qui diffèrent de la norme », explique le Pr Nicolas Menjot de Champfleur (Neuro-radiologie, Montpellier).
Revoir la physiopathologie des troubles bipolaires
« La recherche en imagerie est fondamentale dans les troubles bipolaires (BP), afin de mieux comprendre la physiopathologie, identifier des biomarqueurs permettant un diagnostic plus précoce et une classification plus pertinente que celle en type 1 ou 2 », explique le Dr Sidney Kristal (neuroradiologue, fondation Rothschild).
Chez le sujet sain, l’IRMf montre que le cortex préfrontal médial (MPFC), impliqué dans la régulation des émotions, se désactive lorsqu’il exécute une tâche. Au contraire, chez les BP, il reste activé, ce qui signifie que ces personnes sont en permanence submergées par leurs émotions. On a aussi mis en évidence une hyperconnectivité entre l’amygdale — origine des émotions — et le MPFC, corrélée avec la durée de la maladie. De plus, dans le sous-groupe des BP dépressifs, la connectivité amygdalo-hippocampique est inversement corrélée au score de dépression. Ce qui confirme que les sous-noyaux de l’amygdale ont chacun des profils de connectivité différents, correspondant aux différents états d’humeur, dépressifs ou maniaques.
En appliquant l’intelligence artificielle à l’IRMf, on espère développer un algorithme diagnostique et pouvoir identifier des sous-groupes plus homogènes que ce qui existe actuellement.
L’IRMf de repos peut aussi être utilisée pour évaluer efficacité d’un traitement, ou être associée au neurofeedback, pour apprendre au cerveau du BP à gérer ses émotions.
Exergue : Des mécanismes de prise de décision identifiables par IRM fonctionnelle ?
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