VIH et dyslipidémie : prudence avec le ténofovir alafénamide

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Publié le 10/10/2024
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Le ténofovir alafénamide entraîne une hyperlipidémie importante chez les patients vivant avec le VIH et favorise la prise de poids. Même si l’augmentation du taux de cholestérol est réversible à l’arrêt du traitement, les prescripteurs doivent instaurer un suivi métabolique.

Sous ténofovir alafénamide, le taux de LDL-C augmente de 12,31 mg/dl

Sous ténofovir alafénamide, le taux de LDL-C augmente de 12,31 mg/dl
Crédit photo : GARO/PHANIE

Chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), l’usage d’antirétroviraux à long terme est associé à des troubles métaboliques dont la dyslipidémie, augmentant le risque cardiovasculaire. Utilisé dans le VIH et l’hépatite B en combinaison avec d’autres molécules, le ténofovir alafénamide (TAF) est une alternative thérapeutique au fumarate de ténofovir disoproxil (TDF) car il affecte moins la densité osseuse et est moins néphrotoxique que ce dernier. Néanmoins, il semble que le TAF exacerbe l’hyperlipidémie.

Des chercheurs sud-coréens ont mené une méta-analyse sur 65 études incluant près de 40 000 PVVIH majeures afin de qualifier précisément l’altération du profil lipidique sous TAF, après l’arrêt du traitement et par rapport à d’autres médicaments. Ils ont exploré les changements au niveau du cholestérol (total, HDL-C, LDL-C), des triglycérides (TG) et les variations pondérales.

Le TAF modifie significativement le profil lipidique

Les résultats, publiés dans le Journal of the International Aids Society, montrent une altération significative du métabolisme lipidique des patients : le cholestérol total, le HDL-C et le LDL-C ainsi que les TG sont à la hausse lors de la prise de traitements avec du TAF. Plus précisément, le LDL-C est augmenté en moyenne de 12,31 mg/dl (0,12 g/l) et le cholestérol total de 18,86 mg/dl (0,18 g/l) à partir du troisième mois de traitement et lors des 36 mois de la période d’observation.

Le taux de HDL-C est aussi accru à l’initiation du traitement : +3,89 mg/dl à 3 mois et +2,47 mg/dl à 1 an. Si cette hausse du HDL-C (« bon cholestérol ») peut indiquer un effet cardioprotecteur, l’augmentation des autres variables, fortement associées au risque cardiovasculaire, contrebalance toute influence positive.

En mettant en regard l’hyperlipidémie sous TAF à d’autres traitements, la comparaison avec le TDF montre une exacerbation de la hausse des lipides pour le TAF (ΔHDL-C = 2,53 mg/dl ; ΔLDL-C = 10,13 mg/dl ; Δcholestérol total = 14,6 mg/dl ; ΔTG = 6,88 mg/dl), correspondant à un moins bon profil lipidique

Un gain de poids qui augmente au fil du traitement

La prise de ténofovir alafénamide a aussi été associée à un gain de poids moyen de +1,38 kg sur 3 ans, avec une augmentation plus prononcée au fil du traitement. À 6 mois, la prise pondérale était de +0,64 kg et s’est intensifiée : +0,91 kg à 12 mois, +1,71 kg à 24 mois, atteignant +3,42 kg à 36 mois. Les chercheurs notent qu’il est difficile de savoir si le TAF induit les changements lipidiques ou s’ils sont dus à la prise de poids. Toujours est-il que la corrélation est manifeste.

La méta-régression a permis d’identifier huit facteurs de risque supplémentaires à l’aggravation du taux de cholestérol chez les patients traités par TAF, les plus notables étant le jeune âge, être un homme et avoir un indice de masse corporelle (IMC) de départ bas.

Cet effet indésirable du TAF n’est pas irrémédiable. Quatre études montrent un effet positif à 12 mois après l’interruption du traitement (-9,31 mg/dl de LDL-C et -8,91 mg/dl de cholestérol total), même si d’autres facteurs peuvent expliquer cette diminution. La méta-analyse met en lumière, avec un haut niveau de preuve, la nécessité pour les médecins d’établir un suivi métabolique exhaustif de leurs patients VVIH sous TAF afin de réduire leur risque cardiovasculaire. Le choix entre un traitement avec TAF ou TDF se fera en fonction du risque cardiovasculaire ou néphrologique préexistant chez le patient.


Source : lequotidiendumedecin.fr