Si le lymphome de Burkitt et le carcinome du nasopharynx sont liés au virus d’Epstein-Barr (EBV), ce ne sont pas les seuls. Une nouvelle étude du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) révèle que l’EBV est impliqué dans le risque global de cancers. D’après les données prospectives de deux cohortes du sud de la Chine (Zhongshan et Wuzhou), les auteurs ont conclu que la séropositivité à l’EBV est associée à un risque accru de cancers multiples qu’ils estiment cinq fois supérieur à celui de personnes séronégatives. Ces résultats sont publiés dans Nature Communications.
L'EBV est le virus humain le plus courant et le plus persistant. Il infecte environ 95 % de la population mondiale avec une infection asymptomatique à vie et augmente le risque de certains cancers – le Circ l’a classé comme cancérogène pour l'homme (groupe 1) en 1997 – mais aussi de maladies auto-immunes. En outre, de précédents travaux l’ont identifié comme un facteur de risque d’autres pathologies comme la sclérose en plaques (risque multiplié par 32) en particulier ou encore le syndrome inflammatoire multisystémique post-Covid chez l’enfant (Pims).
« Bien que l'association de l'infection par l'EBV avec certains types de cancer, tels que les lymphomes et le carcinome du nasopharynx, soit bien établie, nous disposons de moins de données sur le risque de cancer en général, déclare le Dr Zisis Kozlakidis, coauteur de l’étude, dans un communiqué de presse du Circ. Cette étude n'explore pas seulement les risques des différents types de cancer, mais évalue également les risques globaux de cancer. Elle vise à évaluer la charge de morbidité attribuable à l'infection par l'EBV et à mieux comprendre le lien entre les anticorps EBV VCA-IgA et le risque de divers types de cancer ».
Un risque presque doublé de cancers du poumon ou du foie
Les auteurs se sont penchés sur l'association entre les niveaux d’anticorps anti-capside EBV VCA-IgA et le risque de cancer chez 73 939 adultes chinois. Au cours d'un suivi d'environ 8 à 10 ans, 964 (cohorte Zhongshan) et 1 026 (cohorte Wuzhou) cas de cancer ont été identifiés. En comparaison avec la séronégativité, la séropositivité au VCA-IgA était associée, de manière significative, à des taux d'incidence plus élevés de tous les types de cancers (HR = 4,88). Pour certains cancers, les risques étaient significativement plus élevés avec une séropositivité : le cancer du poumon (HR = 1,76) et le cancer du foie (HR = 1,70). Par ailleurs, les auteurs retrouvent un HR de 26,05 pour le carcinome du nasopharynx et de 3,20 pour le lymphome chez les séropositifs par rapport aux séronégatifs.
Les auteurs observent également un schéma dose réponse accru, plus les niveaux d’anticorps sont élevés plus le risque de cancer augmente. De plus, ils suggèrent que l’infection par l’EBV et la séropositivité pourraient jouer un rôle à long terme dans le développement du cancer, puisque les taux élevés de VCA IgA sont significativement associés au surrisque de cancer, même dix ans avant le diagnostic.
Selon eux, l’EBV aurait un rôle indirect dans la tumorigenèse des cancers du poumon et du foie, car la présence de son ADN dans les tissus tumoraux s’est révélée limitée (moins de 2 % des échantillons concernés). Les mécanismes pourraient être d’ordre immunomodulateur, inflammatoire ou encore synergique avec la présence d’autres facteurs de risque comme le tabagisme, l’alcool ou les hépatites virales. Dans certains cancers comme le lymphome, l’EBV jouerait un rôle oncogène plus central.
Fardeau de l’EBV en Chine
Pour la population du sud de la Chine, les données de l’étude permettent d’estimer que 7,8 % des cas de cancers peuvent être attribués à la séropositivité VCA-IgA, dénotant d’un lourd fardeau de l’infection par l’EBV dans cette région.
Un 48e système de groupe sanguin découvert : les coulisses de la recherche
Neutropénie sous clozapine : des experts abaissent le seuil pour interrompre le traitement
Booster la recherche en santé passe par donner aux médecins les moyens d’en faire
Le ministère lance une stratégie nationale « Intelligence artificielle et données de santé »