LE QUOTIDIEN : Que faut-il retenir des recommandations de juillet émises par la Haute Autorité de santé (HAS) cet été ?
PR ÉLISABETH BOUVET : Dès début 2021, nous nous attendons à disposer d'un stock de doses de vaccins. Ce stock étant limité, il faut bien sûr prioriser les populations à vacciner. Un travail important a déjà été mené par la HAS pour définir les populations à cibler en fonction de l'évolution épidémique.
Deux types de populations prioritaires ont ainsi été identifiés. D'une part, les personnes à risque de forme grave, c'est-à-dire les personnes âgées de plus de 65 ans et celles atteintes de comorbidités, sous réserve que les vaccins disponibles permettent leur vaccination en termes de bénéfice-risque. D'autre part, les professionnels de santé et toutes personnes au contact des patients et des personnes fragiles comme les personnels des établissements médico-sociaux et des EHPAD. Ce sont globalement les mêmes populations ciblées par la vaccination contre la grippe, cette dernière étant d'autant plus importante cette année avec la circulation du SARS-CoV-2.
Un autre type de population prioritaire a été défini, comme les policiers et les pompiers. La liste des professions concernées doit encore être affinée.
Sera-t-il possible de vacciner toutes ces personnes dès la disponibilité d'un vaccin ? L'obligation vaccinale est-elle envisagée ?
Ces populations prioritaires représentent environ un tiers de la population. Il est donc probable qu'on ne puisse pas vacciner tout le monde en même temps. Nous réfléchissons à une priorisation des personnes au sein de ces populations cibles. Faut-il vacciner en premier lieu les professionnels de santé ou les individus à risque ? Et parmi ces derniers, le niveau de risque doit être évalué. Sur la base des données de Santé publique France, nous évaluons le risque inhérent à chaque comorbidité afin de les pondérer les unes par rapport aux autres.
En ce qui concerne l’obligation, c'est au ministère de la Santé que revient cette décision. La question pourrait se poser pour les professionnels de santé.
Une vaccination généralisée à l'ensemble de la population pourrait-elle être mise en place si le nombre de doses disponibles était suffisant ?
Pour l'heure, notre travail est surtout de définir les populations à vacciner selon le nombre de doses et le ou les vaccins disponibles, ainsi que de proposer des pistes d’organisation. Du bon déroulement de cette première étape dépendra la suite. Peut-être qu'une vaccination plus généralisée pourra alors être envisagée, mais il est trop tôt pour le dire.
Une vaccination généralisée suppose par ailleurs l'acceptabilité de la population vis-à-vis de la vaccination. Nous sommes très attentifs à cette question de l'adhésion et aux facteurs qui la favorisent ou non, alors que près de 59 % des Français seulement seraient prêts à se faire vacciner [selon une étude Ipsos, N.D.L.R].
En dehors des populations à cibler, quels sont les paramètres à prendre en compte dans la stratégie vaccinale ?
De nombreux éléments sont essentiels : la quantité de doses vaccinales disponibles, le nombre de doses nécessaires par personne, l'âge des personnes à vacciner, l'efficacité des vaccins disponibles, leur mode d'action, la durée d'immunité qu'ils confèrent, leurs effets secondaires… Aujourd'hui, nous ne savons pas encore grand-chose des caractéristiques des vaccins qui seront disponibles, d'autant plus que les candidats les plus avancés sont surtout basés sur des technologies nouvelles.
Vont-ils agir en empêchant la survenue de formes graves ou la transmission ? Ce sont des informations nécessaires afin de les positionner dans la stratégie à mettre en œuvre en fonction des différentes populations.
Par exemple, si nous avons à disposition un vaccin qui agit essentiellement en limitant la transmission mais dont l'efficacité est assez mauvaise chez des personnes âgées, alors il est vraisemblable qu'il sera surtout proposé à l'entourage des personnes à risque et aux professionnels de santé.
À noter également que plusieurs des candidats en développement nécessitent deux doses. Ce qui veut dire qu'une dose ne permettra pas l'immunité, et que ce type de vaccin ne pourra pas être utilisé dans le contrôle des clusters.
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