Aujourd'hui, les transports actifs - la marche et le vélo - sont promus pour leur intérêt environnemental et climatique. Une étude française parue dans « International Journal of Public Health » montre que ces mobilités actives s'accompagnent également d'un bénéfice significatif pour la santé (1).
À l'occasion d'un webinaire, les chercheurs ont rappelé le fardeau de l'inactivité physique, en cause dans de nombreuses pathologies chroniques comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, les cancers, la démence ou encore la dépression. Et en France, 95 % de la population adulte est exposée à un risque sanitaire par manque d’activité physique ou un temps trop long passé assis selon une récente expertise de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Des méta-analyses d’études épidémiologiques ont déjà montré que la pratique de la marche et du vélo réduit le risque de diverses variées ainsi que le risque de mortalité tout cause.
Ici, les chercheurs ont voulu documenter ces bénéfices sur la santé dans le cadre d'un scénario de transition bas-carbone, afin « de favoriser davantage l'adhésion du public et l'engagement des décideurs », a souligné Kévin Jean (Institut Pasteur/Conservatoire national des arts et métiers [Cnam]), co-auteur. Avec son équipe, ils se sont appuyés sur le scénario décrit par l’association négaWatt, qui repose sur la sobriété énergétique, l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Ce scénario qui court jusqu'à 2050 vise des besoins en énergie primaire réduits de 64 % et la neutralité carbone d'ici à 2047. Il prévoit une hausse de l'utilisation des transports actifs. Il est prévu en particulier que la pratique du vélo à assistance électrique (VAE) devienne majoritaire en 2035 en termes de kilométrage. « On considère que l'effort fourni avec un VAE représente 75 à 90 % de l'effort fourni avec un vélo sans assistance », précise Kévin Jean. En prenant en compte la durée des trajets, la marche reste dominante jusqu'en 2050.
10 000 décès évités d'ici à 2045
Les chercheurs ont eu recours à la méthodologie d'évaluation quantitative des impacts sur la santé (EQIS) et sont partis des relations dose-réponse définies par une méta-analyse de 2014 (2) : 100 minutes de vélo par semaine diminuent le risque de mortalité toutes causes de 10 % et 168 minutes de marche réduisent ce risque de 11 %. Ces relations ont été appliquées au scénario de négaWatt afin de quantifier son impact sur la santé. Ont également été pris en compte des données sur la répartition de la marche et du vélo par âge à partir du modèle du Danemark, un pays à la culture vélo forte du fait de politiques publiques engagées en ce sens.
Les chercheurs ont ainsi montré que la hausse du recours aux transports actifs prévue par ce scénario allait permettre d'éviter 5 000 décès par an à l'horizon 2030 et 10 000 d'ici à 2045, avec un gain de trois mois d'espérance de vie cette année-là. Sur le plan économique, ces années de vie gagnées vont se traduire par 35 milliards d'euros de bénéfices par an à partir de 2040.
Rendre plus désirables nos environnements
Ces bénéfices en termes de santé sont encore trop peu perçus mais renforcent la pertinence de promouvoir les mobilités actives, estiment les auteurs. Ces derniers regrettent un investissement encore trop marginal de la part des pouvoirs publics : alors que le plan Vélo 2023 dispose d'un budget de 250 millions d'euros pour l'année, le dispositif d'aide à la pompe a reçu deux milliards d'euros entre avril et août 2022.
« Les décisions politiques sont souvent prises en silo, de façon très séparée. Mais en se focalisant sur un seul secteur, on oublie parfois le contexte qui peut entraîner des contreparties ou au contraire des bénéfices inattendus », constate Audrey de Nazelle (Imperial College de Londres), co-autrice, qui défend une vision plus holistique des mesures autour du changement climatique. Elle appelle aussi à prendre davantage en compte le bien-être de la population, qui passe notamment par le fait de rendre plus désirables nos environnements urbains (via un nombre réduit de voitures, plus d'espaces verts, etc.).
(1) P. Barban et al, Int J Public Health, 2022. doi: 10.3389/ijph.2022
(2) P. Kelly et al, Int J Behav Nutr Phys Act, 2014. doi: 10.1186/s12966-014-0132-x
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