?Hypertrophie bénigne de la prostate

Des idées reçues battues en brèche

Publié le 13/05/2011
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Si les alpha-bloquants seuls ou en association restent le pivot du traitement médical de l’HBP, de nouvelles données pourraient permettre d’affiner les stratégies thérapeutiques.

Crédit photo : ©SPL/PHANIE

Comment utiliser au mieux les traitements, en monothérapie ou en bithérapie ? Chaque année apporte son lot de précisions pour la prise en charge optimale de l’hypertrophie bénigne de la prostate. Avec, en ce début 2011, plusieurs études venant contredire certaines idées reçues.

La première concerne le lien entre volume prostatique et efficacité du traitement médicamenteux. Statistiquement, on sait qu’il existe une relation positive entre le volume de la prostate et la sévérité des symptômes.

Pas de corrélation entre volume prostatique et échec thérapeutique

Mais, précise le Pr François Desgranchamps, il s’agit d’une relation statistique, qui ne s’applique pas au patient que l’on a en face de soi. « À l’échelle individuelle, ce n’est pas la taille de la prostate qui importe, mais la sévérité des symptômes. Plus les symptômes sont sévères plus la probabilité d’une intervention augmente, mais indépendamment du volume de la prostate. » On ne le répétera jamais assez, en dehors des complications de l’HBP, les indications opératoires reposent sur la gêne ressentie par le patient, comme le démontre l’étude de John Graham qui a évalué les raisons des échecs du traitement médical sur 178 hommes ayant une HBP suivis pendant 17 ans. Les résultats montrent clairement que la taille de la prostate n’est pas corrélée avec la symptomatologie. Chez les patients qui ont été opérés (28 %) en raison de l’inefficacité clinique du traitement médical le volume de la prostate (30 cc) n’est pas significativement différent (p = 0,24) de celui des patients qui ont poursuivi au long cours le traitement médical (28 cc). Les patients les plus gênés au départ sont ceux dont la probabilité d’être opérés

Fenêtre thérapeutique

Concernant la durée de traitement, les choses bougent également. Jusqu’à présent, la disparition spontanée de la nocturie (au moins 2 mictions par nuit) n’avait pas été démontrée. Aujourd’hui c’est chose faite avec l’étude longitudinale de B. Van Doorn qui a inclus 1 688 hommes âgés de 50 à 78 ans et les a suivis régulièrement pendant 15 ans (tous les deux ans pendant les 6 premières années). Le taux de disparition spontanée de la nocturie est élevé. Il concerne 50 % des patients entre deux suivis, notamment chez les patients les plus jeunes 55 à 59 ans. La nocturie peut disparaître toute seule. Ceci signifie, explique le Pr Desgranchamps, que « l’on pourrait envisager de réaliser des fenêtres thérapeutiques dans le but de savoir si le médicament prescrit est encore utile, et de l’utiliser de nouveau si nécessaire?».

Les anticholinergiques entrent en jeu

Bonne nouvelle également, les anticholinergiques jusque là contre-indiqués en cas d’HBP ne le sont plus dès lors que le résidu post-mictionnel est inférieur à

200 ml. Ce dogme est tombé avec différentes études comparant la toltérodine à un placebo et à la tamsulosine, et avec l’étude OCAS comparant la tamsulosine seule à son association à la solifénacine ou à un placebo?; avec de bons résultats pour les anticholinergiques. La bithérapie anticholinergique et alphabloquant est surtout indiquée pour les patients ayant des symptômes irritatifs sévères (pollakiurie et urgences).

Quand aux a-bloquants, utilisés jusqu’ici pour leur effet sur les symptômes urinaires obstructifs, on sait désormais qu’ils agissent également contre l’hyperactivité vésicale. Ils permettent en effet de diminuer la nocturie chez 65 % des patients pour la tamsulosine 0,2 mg/j. et chez 35 % pour la silodosine 8 mg/j.

La bithérapie plus efficace que la monothérapie

Enfin, l’intérêt de la bithérapie est aujourd’hui confirmé. Les résultats de l’étude CombAT montrent, en effet, après 4 ans de suivi, que l’association d’un alpha-bloquant/dutastétride est plus efficace sur les symptômes et le débit urinaires que chacune des deux molécules utilisées séparément. L’association des deux permet également de diminuer significativement le recours à la chirurgie de 66 % par rapport à la tamsulosine en monothérapie ainsi que les épisodes de rétention aiguë d’urine. Il importe toujours d’avertir les patients de possibles troubles de l’érection avec le dutastéride et de troubles de l’éjaculation sous bithérapie. Cependant, explique le Pr Desgrandchamps, « on sait que l’information des patients peut avoir un effet nocebo : plus on avertit sur d’éventuels effets secondaires plus la probabilité de leur survenue augmente. Il faut ainsi prévenir les patients, mais pas trop ! » Quoi qu’il en soit, « ces effets secondaires se produisent essentiellement au cours de la première année de traitement et sont toujours réversibles ».

D’après un entretien avec le Pr François Desgrandchamps (hôpital Saint-Louis, Paris).
Dr Emmanuel Cuzin

Source : lequotidiendumedecin.fr