La question de l’impact des Technologies de l’information et de la communication (TIC) sur les organisations et la santé au travail constitue un des thèmes important du congrès de Lille. « Au total, ce thème va faire l’objet de deux conférences et de quinze communications », précise Xénophon Vaxevanoglou, Maître de Conférences à l’université Droit et santé Lille 2, Ergonome Européen et PhD psychologue du travail. « lors du congrès, nous allons essayer de comprendre comment ces TIC affectent les formes d’organisations du travail structurellement et fonctionnellement et quel impact elles peuvent avoir sur la santé au travail », ajoute-il .
Pour Xénophon Vaxevanoglou, il faut prendre en compte les TIC au sens large. « Bien sûr, l’informatique et la mise en place deprocessusinformatisés constituent la base. Mais nous aurons aussi des communications par exemple sur le voice-picking, le travail des téléopérateurs dans les centres d’appel ou l’usage des messageries électroniques. C’est d’ailleurs très intéressant de constater à quel point le développement des échanges par e-mails dans le milieu du travail affecte la structure des rapports sociaux. J’ai eu par exemple l’occasion de visiter des entreprises avec des open-spaces où des salariés, assis les uns en face des autres, ne se lèvent pas pour se parler mais s’envoient des mails », souligne Xénophon Vaxevanoglou.
Selon ce dernier, les TIC, en favorisant la recherche permanente des gains de productivité, sont un « instrument au service de la rationalisation organisationnelle et de la radicalisation managériale ». « Sur un plan organisationnel, les TIC favorisent l’intensification des contraintes au travail. Au niveau épidémiologique, elles sont un des principaux facteurs des Risques psychosociaux (RPS) et des Troubles musculo-squelettiques (TMS). Aujourd’hui, au niveau mondial, on a des preuves épidémiologiques d’un lien direct entre cette intensification des contraintes au travail liées au TIC et le développement des RPS et des TMS », souligne Xénophon Vaxevanoglou, en ajoutant que les TIC favorisent, au niveau managérial, la déshumanisation des rapports sociaux. « Quand votre chef vous donne des consignes ou des ordres par mail, c’est une forme de déshumanisation car, sous cette forme, la consigne ou l’ordre ne sont pas discutables, ni négociables. On se "parle" mais toujours par le biais d’un médiateur. Cela ne favorise pas la constitution de collectifs et le soutien social, ni les possibilités de compter sur les autres quand vous êtes vous-même en difficulté ».
Les TIC favorisent aussi la mise en interchangeabilité de l’individu au travail. « Par exemple, si vous êtes maçon, vous allez à la force de votre bras, activer le marteau pour enfoncer un clou. Mais si on vous donne un marteau automatique piloté par informatique, ce n’est plus vous qui allez enfoncer le clou : c’est l’automate. Du coup, vous devenez interchangeable et n’importe qui à votre place peut faire la même chose. Cette mise en interchangeabilité du travail humain ne va pas de soi pour la personne qui est concernée. Psychologiquement, cela peut être très dur à encaisser. Cela a un impact sur son identité professionnelle, sur son identité tout court », indique Xénophon Vaxevanoglou.
Les TIC peuvent aussi avoir des effets positifs. « Cela permet l’émergence de nouveaux métiers liés notamment aux technologies d’internet ou au développement de l’informatisation de l’organisation du travail. L’usage des TIC permet aussi l’acquisition de nouvelles compétences. Mais il faut bien reconnaître que ces aspects positifs des TIC restent encore peu valorisés et reconnus », estime Xénophon Vaxevanoglou.
D’après un entretien avec Xénophon Vaxevanoglou, maître de conférences à l’université Droit et santé Lille 2, Ergonome Européen et PhD. Psychologue du travail, responsable du Master « Ergonomie, santé et développement ».
Article précédent
Compenser ou prévenir, il faut choisir
Article suivant
Un outil de traçabilité et de prévention
Dyspnée, des outils d’évaluation en médecine du travail
L’épreuve d’effort est sous-utilisée
Une discipline trop souvent décriée
Compenser ou prévenir, il faut choisir
Vivre avec les nouvelles technologies au travail
Un outil de traçabilité et de prévention
Les centres d’appel génèrent des chocs acoustiques
Se préoccuper de l’ouïe au-delà de l’exposition au bruit
Une invisibilité à déconstruire
Certains facteurs sont reconnus, d’autres sont évoqués
Des conditions d’exercice qui rendent l’intervention délicate
L’ergonome doit agir en amont
Aménager le compte personnel des salarié-e-s
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024