Avec 31 % de parts de marché des médicaments remboursables en volume et 19 % en valeur, le taux de pénétration des génériques en France fait pâle figure quand on le compare à ceux enregistrés chez nos voisins. 75 % en volume et 30 à 35 % en valeur en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. La proportion en volume atteint même 89 % aux États-Unis, champions du monde de la catégorie avec 42 % des ventes mondiales, et 81 % au Canada. Le marché français des génériques est volontiers qualifié de « nain » à l’échelle internationale, une situation paradoxale alors que la France, rappelle l’économiste Claude Le Pen, est le premier producteur européen de ces médicaments.
Le CAPI ne fait pas le poids
En cause, la stratégie française qui repose principalement sur l’exercice de la substitution par les pharmaciens. Chez nos voisins, en revanche, ce sont les médecins qui sont ciblés par des incitations directes, avec des référentiels de prescription, l’utilisation quasi systématique de logiciels informatiques et la définition de taux-cibles de prescription en génériques, proches de 80 à 90 %, contreparties financières à la clé : au Royaume Uni comme en Suède, le praticien qui atteint ces taux cibles perçoit des primes. En Allemagne, une politique de dissuasion en cas de dépassement du budget de prescription impose au généraliste de reverser le montant du dépassement qui excède 15 %. En France, certes, des CAPI (contrats d’amélioration des pratiques individuelles) ont été créés en 2009, qui prévoient un complément de rémunération des médecins en fonction de l’atteinte d’objectifs quantifiés pour les pathologies chroniques, mais l’adhésion au CAPI reste volontaire.
Le mode de rémunération des professionnels de santé, avec le paiement à l’acte joue aussi un rôle plutôt limitatif. Quand les médecins perçoivent leur revenu directement du système de santé, ou des assureurs (NHS au Royaume-Uni, caisse d’assurance-maladie en Allemagne), a fortiori quand ils sont salariés (Suède) et que leurs ressources ne sont pas dépendantes du nombre de visites des patients, les médecins sont davantage attentifs aux pressions de leur payeur direct. Et face aux réticences des patients, leur position est plus forte pour imposer les traitements de référence médicalement justifiés. Ce dernier élément est d’autant moins anodin qu’en France, plus que dans les autres pays du monde, les enquêtes révèlent un taux élevé de défiance du public à l’égard des génériques, avec des scores qui sont à la hausse (voir ci-dessous).
L’ambivalence du répertoire
Spécificité française, la stratégie de la substitution, si elle enregistre des scores élevés, se rapporte à une base bien plus limitée que chez nos voisins : seulement 37 % des prescriptions sont effectuées dans le périmètre où la concurrence par les génériques peut s’effectuer, c’est-à-dire le répertoire des génériques, contre 70 % en Allemagne ou au Royaume-Uni, pays où 82,7 % des ordonnances sont rédigées en DCI, contre autour de 5 % en France. La France est avec le Danemark et la Suède, le seul pays à s’être doté d’un tel répertoire, alors qu’en Allemagne comme au Pays-Bas les génériques sont classés dans des groupes de médicaments interchangeables, qui regroupent dans un champ bien plus vaste non seulement les présentations ayant le même principe actif, mais aussi les équivalents thérapeutiques.
Enfin l’argument prix est moins attractif en France, les génériques y étant bien plus chers que dans les autres pays européens, avec un prix moyen de 15 cts par unité standard, contre 12 en Allemagne, 7 au Royaume-Uni et 5 aux Pays-Bas. De surcroît, pour favoriser les ventes de génériques, Royaume-Uni, Allemagne et Pays-Bas remboursent princeps et génériques sur la même base, calculée sur la moyenne des prix des génériques. L’Allemagne a même instauré une politique dite de « jumbo-groups » : les équivalents thérapeutiques y sont remboursés au même prix, qu’ils soient ou non protégés par un brevet. Et le patient est même dispensé de toute franchise s’il accepte un générique dont le prix est inférieur de 30 % à celui du groupe d’équivalents thérapeutiques.
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