L’insulinothérapie automatisée, ou boucle semi-fermée, nommée improprement à ce stade pancréas artificiel, constitue une avancée majeure dans la prise en charge du diabète de type 1. En France, sa diffusion a débuté en 2021, avec l’équipement progressif, mais assez rapide, des patients. L’année suivante, l’Observatoire national de la boucle fermée en France (OB2F) a été mis en place ; il regroupe aujourd’hui plus de 2 741 patients, adultes et enfants, suivis dans 79 centres.
Les résultats à un an de cette approche thérapeutique ont été présentés au congrès. Les bénéfices sont nets : l’insulinothérapie automatisée induit une amélioration rapide et significative de l’équilibre glycémique et ce, dès la mise en place du dispositif. Son efficacité en conditions de vie réelle, chez des adultes (25-64 ans) en activité est finalement de même ampleur que celle relevée dans les essais cliniques randomisés.
Comme référence, le Dr Jean-Baptiste Julla (Hôpital Lariboisière, AP-HP), co-coordinateur de l’observatoire OB2F, s’appuie sur une méta-analyse récente (1) où l’amélioration moyenne du temps dans la cible glycémique (TIR [70-180] mg/dL ou [3,9-10,0] mmol/L) est de 10 %, avec une diminution de 0,3 % de l’HbA1c, de 1,09 % du temps passé en hypoglycémie (TBR < 70 mg/dL, soit 3,9 mmol/L) et une baisse de 1,41 % du coefficient de variation glycémique (CV).
+ 11 % pour le TIR et - 0,7 % pour le TBR
De même, dans OB2F, incluant les systèmes Tandem Control-IQ et Medtronic 780G en soins courants, « à douze mois, l’amélioration des paramètres métaboliques est franche, résume le Dr Julla : - 0,6 % d’HbA1c en moyenne, + 11 % pour le TIR, le TBR passe de 2 à 1,3 %, le CV augmente de 3,2 %. Les événements aigus, tels que les hypoglycémies sévères (< 54 mg/dL ou 3,0 mmol/L) et les acidocétoses sont réduits. Des résultats qui rivalisent donc avec ceux observés dans les essais cliniques randomisés, d’autant que les populations sont globalement similaires. »
Les seniors font encore mieux
Dans OB2F, la boucle fermée s’avère tout aussi efficace chez les adultes âgés (≥ 65 ans) que chez les actifs, avec un taux d’arrêt à un an comparable (2 %).
Chez les 65 ans ou plus, le TIR médian atteignait 66 % à l’inclusion et le TBR, 1 %. À ce sujet, « ces données interrogent sur la pertinence des objectifs glycémiques dans cette population, souligne le Dr Julla, car ces patients semblent déjà proches de cibles optimales. En effet, les recommandations pour la population générale adulte fixent un TIR de 70 % et un TBR inférieur à 4 %. Mais pour les personnes âgées (”olders”), les recommandations internationales revoient l’objectif de TIR à 50 %, le TBR restant à 1 % (2), ce qui est discutable ». Les recommandations françaises, quant à elles, n’émettent pas de préconisation pour les 65 ans et plus (3).
Quoi qu’il en soit, dans cette population particulière d’OB2F, à un an, l’HbA1c passe de 7,5 % à 7 %, le TIR augmente de 66 % à 74 %, avec une réduction du temps en hypoglycémie – qui était déjà faible au départ. De plus, la CV diminue, de 34,3 % à 32 %.
Finalement si, entre les adultes actifs et ceux de 65 ans et plus, l’évolution des paramètres métaboliques est identique, un pourcentage plus élevé d’adultes âgés atteint l’objectif double, TIR > 70 % et TBR < 4 %.
Quant aux enfants et jeunes adultes de moins de 24 ans, les résultats sont proches de ceux observés chez les adultes.
L’équilibre préalable conservé
« L’amélioration de l’HbA1c et TIR est proportionnellement plus importante chez les patients initialement les moins bien équilibrés », fait remarquer le Pr Michaël Joubert (CHU Caen Normandie). Pour autant, les personnes diabétiques déjà bien équilibrées tirent profit de la boucle hybride : les gains portent surtout sur la réduction de la variabilité glycémique et du temps passé en hypoglycémie. « De plus, ajoute-t-il, après un an de boucle semi-fermée, l’HbA1c des patients dont le taux initial était supérieur ou égal à 8 % à l’inclusion reste plus élevé, de 0,65 %, par rapport à celle des patients à l’HbA1c inférieure à 8 % », note le spécialiste.
La moitié des patients reste en échec
Ces très bons résultats ne doivent pas occulter qu’« à douze mois, environ la moitié de la population reste en échec du double objectif TIR (> 70 %) — TBR (< 4 %), pointe le coordinateur principal d’OB2F, le Pr Jean-Pierre Riveline (Hôpital Lariboisière, AP-HP). Ces personnes sont plus jeunes, plus souvent des hommes, avec une gestion moins rigoureuse de leur diabète à l’initiation, et une HbA1c moins bonne. »
Autre point en demi-teinte : on n’observe pas d’amélioration au questionnaire de qualité de vie. « Cette notion semble largement dépasser le seul contrôle glycémique, et les soignants ont parfois tendance à surestimer le bénéfice ressenti, suggère le Pr André Scheen (CHU de Liège), s’appuyant sur des données personnelles. Si les systèmes allègent la charge mentale, ils ne la suppriment pas pour autant (dysfonctionnements de cathéters ou de capteurs, nombreuses alarmes, etc.). »
Les résultats se maintiennent à deux ans
Le Pr Riveline révèle aussi les résultats préliminaires à deux ans, issus pour l’heure de la moitié de la cohorte (1 373 patients) : « les paramètres glycémiques restent stables. Aucune différence n’est observée entre les résultats à un an et à deux ans, ni sur l’HbA1c moyenne (autour de 7,2 %), ni sur le TIR. Ce dernier reste près de 70 % (69 %, exactement) et les sujets âgés continuent d’afficher les meilleurs résultats. »
La légère augmentation du pourcentage d’abandon de pompe, avec 92 % des patients restant sous boucle fermée à deux ans, est rassurante, tout comme les résultats sur les hypoglycémies sévères et l’acidocétose : la légère remontée, à 1,5 % pour le TBR, reste très faible par rapport à l’inclusion, et le taux d’acidocétose reste très bas, à 0,8 %.
La phase préalable de six mois sous pompe est superflue
Avant l’instauration d’un dispositif d’insulinothérapie automatisée, l’intérêt de la phase préparatoire, imposée par les autorités, de six mois sous pompe à insuline est contesté. « Cette condition est en décalage complet avec les données issues des essais cliniques, et notre expérience », fait remarquer le Pr Éric Renard (CHU de Montpellier). Encore fallait-il le démontrer.
En décalage complet avec les essais et notre expérience
Pr Éric Renard
C’est dans ce contexte qu’a été lancée l’étude Évident où, chez 38 adultes et 5 enfants (8-15 ans), l’algorithme SmartGuard (système MiniMed 780G) était activé au plus tard trois mois après l’installation de la pompe. Avant l’activation de l’algorithme, les patients affichaient en moyenne un TIR à 57 %. Dès le premier mois suivant l’activation, ce taux progresse de 16,5 %, et se maintient à 9 mois. 89,5 % des participants ont gagné au moins 5 % de TIR.
À six mois, 87,5 % des patients ont réduit leur temps au-dessus de la cible, et 74 % ont même réduit le temps passé au-delà de 250 mg/dL. Plus de la moitié des patients ont diminué leur temps passé en hypoglycémie. Le bénéfice est encore plus net pour les hypoglycémies sévères (de 0,8 % à 0,1 % à neuf mois). L’HbA1c diminue en moyenne de 0,6 %.
Au vu de ces résultats, les six mois d’attente ont été supprimés dans les conditions d’accès — pour l’instant avec ce seul dispositif —, validées par le CEPS, publiées au JO le 2 avril dernier.
(1) Xiaojuan Jiao et al. BMJ Open Diabetes Research and Care 2022;10:e002633
(2) Battelino T et al. Diabetes Care. 2019 Aug;42(8):1593-603
(3) Tubiana-Rufi N et al. Diabetes & Metabolism 2021(47)3 :101206
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