LE QUOTIDIEN : Pour combattre les déserts médicaux, vous proposez de recruter un millier de médecins salariés par l’État sur cinq ans. Sous quelle forme ?
ÉRIC ZEMMOUR : Nous voulons progressivement salarier 1 000 médecins généralistes ou spécialistes, à hauteur 10 000 euros mensuels, 35h par semaine. Ils seront répartis dans tous les départements largement sous dotés. Ces praticiens pourront faire un cumul emploi/retraite sans pénalités, en conservant les points gagnés, sans obligation de verser des cotisations supplémentaires. En attendant de pouvoir les recruter, nous mettrons en place des services hospitaliers externalisés d’urgence, de suivi thérapeutique et de prévention, sous la forme de petites structures (maïeutique, chimiothérapie, dépistage ou chirurgie dentaire).
Faut-il remettre en question la liberté d’installation, comme le réclament nombre d’élus ruraux ?
Il n’est pas question de remettre en cause la liberté d’installation, que ce soit par la contrainte dans les secteurs sous-dotés ou par un conventionnement sélectif, car la coercition n’est pas une solution. En revanche, un conventionnement "préférentiel", avec une majoration de la consultation de 10 à 15 euros pour tous les praticiens exerçant dans une zone désertifiée, pourra être mis en place. Il vaut mieux inciter un praticien à s’installer sur un secteur qu’il a choisi. Si on le contraint, il quittera très rapidement cette zone, ce qui entraînera un turnover de praticiens qui ne pourront plus assurer un suivi thérapeutique efficient.
Votre programme prévoit le rétablissement d’une obligation de garde pour les médecins sur l’ensemble du territoire. Que préconisez-vous ?
Les services d’urgences hospitaliers sont saturés et ne peuvent plus assumer leur mission, plus particulièrement les dimanches et jours fériés. Le conseil de l’Ordre départemental pourra organiser un service de garde ces jours-là. Les médecins auront d’abord un forfait par demi-journée, et ensuite un supplément de 30 euros par consultation. À l’image des pharmaciens et des chirurgiens-dentistes qui assurent des gardes rémunérées en fonction des efforts fournis.
Vous proposez de recruter 40 000 personnels hospitaliers, assorti d'un vaste plan d’investissement à l'hôpital. Est-ce réaliste ?
Depuis la crise sanitaire, le personnel soignant a été gravement impacté avec un taux d’absentéisme pouvant atteindre jusqu’à 15 %. Les infirmières et aides-soignantes, entre autres, sont souvent mal reconnues et pas assez rémunérées. Nous augmenterons leur salaire de 12 % pour les inciter à revenir travailler dans nos hôpitaux et engagerons 40 000 personnes sur cinq ans. Pour revenir à un absentéisme de 8 %, nous soulagerons la pression qui pèse sur leurs épaules et entraîne des burn-out.
Comment comptez-vous doubler les capacités de formation des médecins et professionnels de santé sur cinq ans ?
Il faut progressivement doubler le numerus clausus et les formations de paramédicaux. Pour les médecins, si nous ne commençons pas aujourd’hui, les Français devront attendre 20 ans de plus ! Ce serait inacceptable. C’est un problème de santé publique qu’aucun gouvernant n’a voulu résoudre depuis plusieurs quinquennats, laissant le bébé au suivant. Pour les paramédicaux, le cycle d’études étant plus court, le problème sera plus facilement résolu. Les écoles de kinésithérapie en Belgique comptent parfois une moitié d’étudiants français !
Il faut aussi augmenter le nombre de passerelles dans les formations médicales, les faire passer de 5 % à 30 %. Aujourd’hui, au moins 5 % d’étudiants reçus au concours ne finissent pas leurs études, tandis que 5 % n’exercent pas après l’obtention du diplôme. Nous perdons donc 10 % d’étudiants, ce qui est préjudiciable à l’ensemble des professions médicales.
Souhaitez-vous maintenir la tarification à l'activité (T2A) ?
La T2A a entraîné un effet pervers qui a poussé certains services hospitaliers à pratiquer principalement les actes les plus rémunérateurs, laissant le reste à la médecine privée et de ville. L’hôpital a parfois oublié sa mission de santé publique. Nous pondérerons cette T2A en introduisant une dotation pour les services dont les actes sont moins honorés, afin d’équilibrer leur budget.
Faut-il repenser la gouvernance à l’hôpital ? Si oui, comment ?
Nous redonnerons aux médecins le pouvoir décisionnel au sein des conseils d’administration ; ils auront 80 % des voix. Le modèle de l’hôpital de Valenciennes a fait ses preuves en la matière. Cela a permis de réduire à 8 % le nombre de personnel administratif et d’engager plus de médicaux et paramédicaux. Pour ne pas perdre en temps de soin, il faut aussi moderniser les parcs informatiques, avec des logiciels compatibles entre les différents établissements. Si on comptabilisait le temps perdu par les soignants à résoudre des problèmes informatiques, cela se chiffrerait en centaines de milliers d’euros !
Vous proposez de supprimer l’aide médicale d’État (AME) qui permet l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière. Pour de nombreux professionnels de santé, cette décision serait une « absurdité économique » et une « aberration sanitaire »...
L’AME coûte 1,1 milliard à l’État pour 380 000 personnes en situation irrégulière, chiffre qui s’accroît de jour en jour. Il n’est pas question de ne pas prendre en charge des personnes en danger (accidents par exemple), mais il n’est plus question de prendre en charge des soins de confort non vitaux. Nous manquons de praticiens, d’établissements de soins, de matériel… Ceux qui prônent l'accueil de toutes ces personnes vont le faire au détriment de qui ? Faut-il supprimer ou réduire encore l’accès aux soins des Français qui cotisent ? Ceux-ci n’ont déjà plus à leur disposition une offre médicale digne d’un pays prospère. Il ne faut pas aggraver la situation de notre système de santé car il est au bord de l’effondrement !
Pourquoi supprimer le concours permettant aux médecins étrangers d'exercer en France ?
De très nombreux pays manquent de médecins, en particulier les pays en développement. Il est regrettable de les inciter à venir s’installer en France et de laisser les populations de ces pays sans praticiens. Vider un peu plus l’Afrique de ces rares médecins n’est une bonne solution pour personne. D’autant plus que nous pouvons compter sur les médecins de l’Union européenne qui maîtrisent le Français et ont les compétences requises pour exercer en France.
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