LE QUOTIDIEN: Quelle est la mesure de santé prioritaire que vous mettriez en place si vous êtes élu ?
YANNICK JADOT : La promesse républicaine d’égalité d’accès aux services publics a été rompue. Des décennies de sous-financement de l’hôpital public l’ont paupérisé, comme tout le monde a pu le réaliser brutalement avec la pandémie. Les soignants ont admirablement tenu, mais au prix de leur épuisement, de leur propre santé mentale et physique. Je veux restaurer l’hôpital public qui est un joyau au cœur de notre système de santé. L’État devra reprendre la dette des hôpitaux, augmenter leurs capacités notamment par le recrutement de 100 000 infirmières et infirmiers et revaloriser de 10 % les salaires des soignants pour rejoindre la moyenne des pays de l’OCDE.
Comment jugez-vous la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement ?
Le gouvernement a fait de la vaccination le cœur de sa stratégie. Il a réussi à vacciner une très large majorité de nos concitoyens, c’est à mettre à son crédit. Pour le reste, je relève un manque d’anticipation, en particulier à l’école, où enseignants, parents et enfants ont souffert d’une improvisation constante et brouillonne du ministre, indifférent aux effets de ses décisions sur leur quotidien. Je regrette surtout la grande faiblesse des politiques “d’aller-vers” les populations les plus éloignées du soin, qui ont été les plus violemment frappées par le covid. La prise en compte de la transmission aérosol du virus et les mesures de protection associées - aération, installation de capteurs de Co2 - sont arrivées tardivement et ne sont pas toujours vraiment opérationnelles.
Emmanuel Macron a fait le choix d’une gestion très verticale et d’une communication brutale. Il a réuni autour de lui des instances constituées de façon opaque et s’est permis des provocations de langage qui n’honorent pas la fonction qu’il occupe.
À l’heure où progressent les déserts médicaux, que préconisez-vous ?
Une commune sur trois se situe dans un désert médical. La mauvaise allocation des soins sur le territoire national se traduit en renoncement aux soins, des délais de prise en charge et l'engorgement des urgences. Elle engendre un surcoût de 1 à 5 milliards pour le système de santé. Le numerus clausus en hausse n’y remédiera pas sans mesures pour rééquilibrer l’offre de soin territorialement. C'est pourquoi nous proposons le conventionnement sélectif pour limiter les nouvelles installations dans les zones déjà bien pourvues : un médecin ne pourra s’y installer en étant conventionné que lorsqu’un médecin libéral du territoire cessera son activité. En complément, nous mettrons en place de façon temporaire et transitoire une obligation d'effectuer la dernière année d’internat et les deux premières années d’exercice dans les territoires sous-denses, mesure que nous accompagnerons en favorisant l’installation des médecins et de leur famille. De plus, nous doublerons les capacités d’accueil des universités de médecine sur le quinquennat. Nous favoriserons de nouvelles modalités d’exercice, sous une forme salariée dans les maisons de santé, prise en charge par l’hôpital du territoire.
À l’hôpital, souhaitez-vous mettre fin à la tarification à l’activité (T2A) ?
Notre système de santé est asphyxié par une gestion centralisée et cloisonnée, imposant à tous les niveaux des indicateurs de rigueur budgétaire. Tout le monde admet aujourd’hui - enfin ! - l’impasse de ce fonctionnement. Nous le réformerons, en fondant le financement d’une part sur les besoins populationnels exprimés au niveau du territoire, d’autre part sur une tarification à l’activité réservée aux seuls actes techniques, programmables et standardisés, avec une nomenclature commune au privé et au public. Les dépenses prévisionnelles de financement prendront en compte la prévention, la coordination des soins, le temps de travail pour assurer un parcours de soins efficace autant que le temps d’information et d’organisation des services et la permanence des soins.
Que faire pour redonner de l’attractivité aux métiers du soin à l’heure où Ehpad et hôpitaux peinent à recruter ?
Agir sur les rémunérations mais aussi sur les conditions de travail et de vie. Nous demanderons ainsi de réserver des logements sociaux pour les personnels hospitaliers, notamment en Île-de-France. Concernant le secteur du grand âge, nous revaloriserons les salaires, les diplômes et les parcours professionnels. Pour les personnels intervenant aux domiciles des personnes âgées, seront instaurés le service à la tournée, les congés en cas de deuil d’un bénéficiaire et une réunion de travail collectif mensuelle d’une durée d’au moins deux heures par intervenant. Nous accompagnerons aussi les collectivités qui créeront des maisons des aidants. Et en Ehpad, nous veillerons à l’application d’un ratio minimal de 0,8 équivalent temps plein par résident, comme l'a préconisé la Défenseure des droits en 2021, ainsi qu'à la revalorisation des carrières pour les personnels. Les Ehpad devront être à taille humaine et leurs pratiques réelles mieux contrôlées.
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