En matière d’innovation, les États-Unis cumulent les atouts : une culture entrepreneuriale à tous les étages, pragmatique, volontaire, résiliente pour ceux qui échouent et qui ont droit à un nouveau départ ; des universités à la réputation d’excellence pour la recherche et le travail en réseaux ; des ressources de financement hors pair grâce aux business angels, ces investisseurs providentiels et autres sociétés de capital-risque) ; un arsenal juridique et réglementaire qui protège la propriété intellectuelle des chercheurs et facilite la création des entreprises. Et puis, essentielle pour la fluidité du système, une circulation formation-recherche-entreprise qui permet l’interaction entre tous les acteurs (public, privé, universitaire, local).
La mythologie en prime
En prime, il y a la mythologie de l’innovation : des mythes personnels bien réels (le « garage » de Steve Jobs, où est né Apple, ou le parcours du jeune étudiant parti de rien, Mark Zuckerberg, devenu avec Facebook le plus jeune milliardaire de la planète). Et des mythes territoriaux non moins concrets : la Silicon Valley, exemple d’écosystème entièrement voué à l’innovation, avec son incubateur de start-ups, ou la ville créative de Chicago, avec ses hubs, ces plateformes de correspondance entre quartiers de productions et de vie, industries, commerces, université, avec toutes les interfaces possibles pour faciliter les créations innovantes.
Pourtant, le modèle américain s’est grippé. Des géants comme IBM, Dupont, ou Bell ont renoncé à investir dans la recherche. Kodak a déposé son bilan et plié son centre de recherche, le légendaire Xerox park de Rank Xerox a aussi disparu. À côté de ces Goliath qui avaient conquis le monde dans leurs différents secteurs à coup d’innovation, les start-ups, ces David si prometteurs, sont à la peine. Hormis Google et Facebook, celles qui sont spécialisées dans les biotechs voient leur développement en panne, faute de financement à la hauteur de leurs ambitions.
Professeur au MIT (Massachussetts Institute of technology), Suzanne Berger a étudié 150 de ces start-ups nées sous l’égide de son institut entre 1997 et 2008 ; dans un premier temps, a-t-elle constaté, elles ont bien réussi à obtenir des fonds, à hauteur de 75 millions de dollars en moyenne. Mais quand il s’est agi de passer à la phase industrielle, en implantant des usines, les venture capitalists ont refusé de suivre. Et les introductions en bourse se comptent sur les doigts de la main.
Résultat : les États-Unis qui se classaient en 2009 en tête des dix nations les plus innovantes (un palmarès publié par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et l’INSEAD), dévissaient en 2012 au dixième rang, pris de vitesse par les émergeants, Chine et Inde en tête. Considérant que l’innovation est le moteur de la croissance et de la compétitivité, les pouvoirs publics ont réagi et en 2009, la strategy for american innovation, a activé une multiplicité de dispositifs.
L’administration Obama incite les NSF (National science foundation), NIST (National institute of standards and technology) et autres DOE (Office of science du ministère de l’Energie) à soutenir les transferts de technologies. Dès 2009, leurs budgets ont été doublés. Dans le même temps, les programmes fédéraux du SBIR (Small Business Technology Transfer) ont boosté les PME. Des Manufacturing innovation institutes ont été créés sur fonds publics, le premier dans le domaine des imprimantes 3D.
L’an dernier, le président Barack Obama a débloqué 100 millions de dollars (sur 10 ans) pour le programme Brain, impliquant les agences fédérales, les équipes de chercheurs en neurosciences et des structures privées dans cet ambitieux projet de cartographie de l’activité cérébrale. L’innovation santé est particulièrement ciblée. Alors qu’en 2012, les aides publiques directes à la R&D dans ce secteur avoisinaient en moyenne 0,1 % du PIB dans les pays de l’OCDE, elles atteignaient 0,23 % aux États-Unis. Record du monde. À la clé, 43 % de l’ensemble des brevets pharmaceutiques, la moitié des brevets médicaux et près de 20 % des brevets environnementaux sont américains.
L’engagement fédéral paye : les États-Unis ont effectué l’an dernier leur retour en cinquième position au hit-parade mondial de l’innovation. Mais l’intervention de l’État chez les champions du libéralisme suffira-t-elle face à la montée des activités innovantes dans les pays dits émergents ?
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